Genre, rapports de genre
Ainsi que l’indique Guionnet dans l’Encyclopædia Universalis :
Dès 1972, dans son essai Sex, Gender and Society, la sociologue féministe britannique Ann Oakley, s'inspirant notamment du psychanalyste Robert Stoller, proposa le terme gender afin de distinguer le sexe, donnée biologique, et le genre, construit social variable et évolutif. Là où les différences biologiques seraient données et naturelles, les identités de genre seraient liées à la transmission, à travers divers dispositifs de socialisation (famille, école, médias, culture, amitiés, etc.), de manières d'être, de penser et d'agir orientant chaque individu vers des modèles de la masculinité et de la féminité, vers des identités et des rôles sociaux historiquement attribués à chaque sexe à partir d'une naturalisation des différences sexuelles et de l'idée d'un profond déterminisme biologique.
Le genre résulte donc de représentations et de normes en termes de manières d’être, de penser et d’agir et a des implications concrètes et subjectives pour les individus. Suite à De Lauretis (1996) et Butler (2002), nous proposons de l’envisager comme un élément tiers. Cette option permet de se dégager d’un rapport de face à face femmes-hommes, d’opposition binaire entre entités posées comme séparées, homogènes, a priori constituées, et à se représenter des « sujets », relationnels, socialisés, acculturés et plus ou moins « assujettis » aux pouvoirs, aux normes, aux pouvoirs des normes. Le rapport des sujets aux normes (adhésion, attachement, déconstruction, décollement) concerne tout un chacun, quel que soit son genre, quel que soit son sexe. Le sujet, parce qu’il entretient nécessairement un rapport à la norme, peut modifier ce rapport, en changer la nature - non le supprimer. Son autonomie est paradoxale car faite de contraintes. De Lauretis et Butler inaugurent ainsi une mise à distance des catégories d’hommes et de femmes (les désigner comme catégories de sexe ou de genre ne change au fond rien au problème posé par la binarité), pour mieux revenir à l’intériorité des sujets et aux tâches d’appropriation, de reconnaissance, de critique et de changement qui leur échoient.
Dépasser le genre : recherche et individuation d’un style
Il convient de souligner les avancées du féminisme et d’une pensée du féminin (intellectuelle, artistique, scientifique), particulièrement sur le plan de l’écriture, au sens large d’intersubjectivité mise en forme : au-delà ou en-deçà de l'antagonisme et des rapports d’opposition binaire, des penseuses et penseurs ont déplacé les questions, leurs arêtes et les frontières. L’écriture du féminin cherche à dissoudre les clôtures du moi (et de « l’un »), à accueillir l’altérité et vise une individuation (une forme de recherche de soi), via :
- une détermination à trouver sa méthode, son style, pour rendre compte d’expériences, d’hypothèses et d’intuitions (une libido creandi, pour reprendre les termes de Fouque en 1995, ou une combativité du féminin étudiée par Reverzy en 2001) ;
- l’usage d’une critique, au sens d’éthos, d’allure vitale, de forme esthétique ;
- la recherche de l’indicible et du caché, pourtant présents et agissants, avec un intérêt pour l’interlocution dans l’oral et dans son écriture (Kerbrat-Orecchioni, 1999 ; Milano, 2012 ; Sarraute, 1957, 1983).
Écrire et penser le féminin et son potentiel nécessite de sortir des cadres habituels dans lesquels est ordinairement contenue la question du genre. Le geste d’individuation est un modus operandi qui ne se fait pas sans explorer par soi-même les possibilités d’empowerment. Le féminin apparaît comme un art, un air, un fluide, un style (Bidet & Macé, 2011) voire une écriture qui vient assouplir ou déplacer des lignes, notamment en matière d’imaginaire et de démarche analytique vis-à-vis du langage. « L’écriture féminine se veut création, exhortation à la création, traversée de la chape de plomb du discours dominant, de la culture aux mains des hommes, et invention de langage, exploration d’un style autre, d’une autre voi(e)x » (Godi-Tkatchouk, 2010, p. 21).
Pour les femmes auteures impliquées dans une recherche-émancipation la parole est comme une naissance à soi-même, une façon d’apprendre à vivre et à trouver son style (Bouissou, 2017). Le style est une substance en mouvement. L’œuvre de Sarraute (1957, 1983) illustre ce mouvement et met en scène des « tropismes » : par la quasi disparition des personnages, par l’émergence de mouvements qui les animent, les assiègent ou les libèrent, l’auteure met en scène des interlocutions dont elle montre la force dynamique (force parfois dévastatrice).
Nous abordons donc l’hypothèse du féminin comme un travail d’individuation et également comme un travail de relève, en s’inspirant de la notion de Aufhebung (Derrida, 2005), qu’on entendra comme relève d’une culture, relève de soi-même, relève d’une identité héritée ou plutôt « à hériter », relève possiblement résistante vis-à-vis des assignations (de genre ou autres).
L’identité de sujet n’est en effet jamais définitivement donnée ni acquise. « Elle est le résultat d’un travail incessant qui, au fur et à mesure de son déroulement, la compose, la décompose et la recompose ; c’est une identité virtuelle, qui ne s’accomplit qu’à travers ses effets et ses œuvres » (Macherey, 2016). La notion d’ « identité » doit pouvoir se démarquer d’une vision essentialiste la réduisant à un état ou à un acquis. Il faut la saisir comme renégociable et renégociée, problématisable et problématisée, tendancielle, se constituant et se transformant « au fur et à mesure que se déroule le cycle de ses interférences avec son milieu ; elle reste une virtualité qui demeure en permanence à mettre en œuvre » (Macherey, 2016).
C’est donc une approche voulant donner concrètement place à la question et à la visée d’individuation et de mobilité que nous avançons, cherchant à faire émerger des « genres de rapports ».
Aggiornamento du féminin
Notre intérêt se porte vers l’étude des psychismes et des subjectivités, pour développer une autre intelligence du monde. Les travaux de Gilligan (1982) sont à retenir, car ils ont nettement mis en évidence les caractéristiques des voix et des rationalités attachées au féminin, en tant que situations ou « emplacements » spécifiques et « cognitions situées ». Ils rappellent, d’ailleurs, les réflexions de Woolf (1938) sur l’apport spécifique des voix alternatives des femmes, depuis leur place d’outsiders. Cette perspective permet d’évoluer vers l’étude de nouveaux matériaux, avec un intérêt marqué pour l’étude des vies ordinaires (Le Blanc, 2007), de l’intelligence du sensible (à entendre à la fois comme intérêt de la pensée pour les choses sensibles et comme intelligence produite par elles). La puissance des voix alternatives ou le « génie féminin » en tant que confrontation à la pulsion de mort, (Kristeva, 2002) ou encore les figures de la mètis et du kaïros (Détienne et Vernant, 1974 ; Ost, 1997) sont des éléments psychoculturels déterminants d’une action fondée et d’une cognition située et constituent d’autres repères (plus straight, au sens de Wittig, 2001) pour tenter d’identifier les mécanismes, les procès ou les dispositifs à l’œuvre dans les échanges sociaux, donnant à saisir les rapports de genre, voire des « genres de rapport » introduisant à une pensée de la « différance » (Derrida, 2005), du changement, de la métamorphose, du tournant linguistique[1].
Dans cette optique, le travail du féminin permet de réinterroger les besoins primordiaux (les siens, ceux d’autrui). C’est pourquoi l’approche de Nussbaum (2012), elle-même adossée aux travaux de l’économiste Amartya Sen, semble pertinente ; aujourd’hui, c’est toute une écologie voire un éco-féminisme (Burgart-Goutal, 2020 ; Naves, 2020 ; Pierson & Timmerman, 2017 ) qui émergent et ouvrent un questionnement à propos de l’éducation et de la formation en termes de durabilité et de soutenabilité tout au long de la vie. Il ne s’agit pas tant de s’intéresser aux femmes, minoritaires, réduites à l’extrême dans des situations de violence, de pauvreté, d’abandon, que de concevoir les écosystèmes dans lesquels elles prennent place, qu’elles contribuent à transformer par leurs entreprises, donnant à penser les échanges, les circulations entre biens, éléments, phénomènes naturels ou civilisationnels, de manière interdépendante. Aussi, les besoins primordiaux, les richesses matérielles-immatérielles, l’immersion dans les milieux et des atmosphères peuvent être pensés de concert et résonner ensemble (Coccia 2016 ; Descola et al., 2016).
Comment accompagner ce travail, à la fois en termes de contenus à transmettre, de modes de relations à instaurer, d’outils d’organisation et d’économie des environnements ? Il s’agit de créer des styles d’existence, au sens donné par Macherey (2016) :
La notion de style d’existence, ici indiquée au passage, renvoie au même contenu que celle de mode de vie utilisée par les géographes : elle suggère que vivre en relation avec un milieu, pour l’homme comme pour tout vivant, ne consiste pas à se soumettre à des règles fixées une fois pour toutes par la nature du milieu environnant ; mais c’est esquisser, en prenant des risques, et dans une perspective d’inachèvement, une démarche inventive qui configure ses buts à même le mouvement par lequel, sans garanties, elle se dirige vers eux suivant un certain style d’existence.
Pour éviter l’idée de rupture, de fracture, ou de fragmentation, dans une vision de l’humain la plus ouverte et « contenante » possible, nous proposons un abord en termes de transindividuation (dans l’esprit d’une philosophie de matière et de fluide, et non de classes, portée par Simondon, 1989), et de recherche performative (Bouissou, 2020 ; Paquin & Noury, 2018) en orientant notre attention sur les potentiels résidant dans toutes les formes de vie (psycho-sociales, techniques, physiques) et sur les flux d’énergies qui les traversent : le progrès d’individuation d’un corps, d’un objet ou d’un sujet rend possible (et est rendu possible par) le progrès de ses milieux associés.
Œuvres : milieux de vie et styles d’existence
La dimension anthropologique des œuvres est une voie d’entrée dans la compréhension de l’humain et de ses réalisations. « Une œuvre est un mélange de connaissance et de technique codé de façon plus ou moins systématique. Pour que soient assurées sa conservation et sa transmission, elle s’institutionnalise d’une façon particulière et c’est au travers de cette institutionnalisation qu’elle contient l’histoire d’une civilisation » (Bruner, 1996a, p. 204). Elle rend palpable la matérialité de l'intériorité, donne une forme et un design propres à saisir les mouvements internes, la respiration, la vitalité d’un sujet.
Dans une démarche historico-culturelle, le psychologue Meyerson (1987) propose une vision où culture, pensée, technique et travail forment un tout. Il s’agit de chercher à comprendre l’humain à partir de ses œuvres pour remonter aux fonctions psychologiques et vice-versa.
En termes de préoccupations éthiques et scientifiques, il en découle un rapport exigeant, pour soi et pour autrui, vis-à-vis de ce qu’on choisit d’observer, d’étudier, de comprendre. D’un certain point de vue, rien n’est anecdotique, toute production humaine s’insère dans un ensemble plus vaste, y prend place, mérite d’être considérée, requiert pour cela un effort discipliné, présumant une authenticité de l’œuvre, partant du principe que l’œuvre est véridiction : authentiquement, l’œuvre nous parle ; que dit-elle ?
Notre matériau d’étude (reportage radiophonique, conférence TED, théâtre) est abordé selon une série de questions : une opération de transindividuation (Simondon, 1989) est peut-être à l’œuvre, pour l’ensemble des protagonistes (créateurs, spectateurs, diffuseurs). Quelle est-elle ? Que peut-on en comprendre ? Comment la traduire ? Ce questionnement permet en outre de penser l’ensemble des parties prenantes de la situation et de la relation, de se représenter un espace commun ou un espace « du » commun, et de réfléchir à ce qui s’y passe, s’y transmet, s’y diffuse.
L’approche permet dès lors de revisiter l’idée de relation, puisqu’il n’existe pas de terme préconstitué, et que chaque entité (individu, collectif) « advient en s’individuant », par la transformation conjointe de son milieu propre (le pré-individué, les réserves de potentiel) et de ses milieux associés. Penser la relation (éducative, collaborative, créative) s’avère alors fascinant, dès lors qu’on ne s’attache plus aux entités fixes et aux protagonistes de l’échange, et qu’on se rend sensible aux flux qui les traversent. Il s’agit de penser les individus (y compris soi-même) comme étant partiellement accomplis et cherchant à s’accomplir (accomplir un « devenir mobile »), dès lors qu’ils vivent, dès lors qu’ils travaillent et s’efforcent de faire exister tel ou tel autre aspect encore indéterminé qu’ils pressentent pourtant nécessaire à leur « rephasage » avec le monde, ou plus exactement avec « un » monde ; et dès lors que par ce même mouvement, ils s’efforcent de faire advenir un autre milieu associé, propice à de prochaines individuations.
Une Méditerranée de lumières et de sens, jusqu’en Ile-de-France
Réactualisant Deleuze et Guattari (1980), nous suivons l’idée d’un « devenir mobile » pour mener l’analyse des trois matériaux relatifs à la prise d’une parole poïétique de jeunes gens français, issus de trajectoires familiales d’immigration depuis le sud de la Méditerranée et dont la parole est accueillie, provoquée, travaillée dans un dispositif communicationnel et/ou artistique spécifique : reportage du radiophonique, conférence TED, création théâtrale. L’enjeu est de saisir la couleur, le ton, la lumière féminin, quand il trouve sa voie/x propre, passant par une forme d’exil.
Le reportage radiophonique « Ma cité mon cocon, jeunes filles entre elles et entre soi » (Sid Mohand, & Confavreux, 2006) met en évidence la portée civique de voix féminines relatant leurs déplacements (physiques, psychiques), dans des espaces citadins porteurs de sens et d’individuation. L’étude d’un deuxième matériau vient prolonger ces premières observations : la performance des deux réalisatrices du festival « Pèlerinage en décalage. Aborder autrement le conflit » (Aloui & Weill-Rochant, 2016) est une initiative citoyenne et artistique dont nous tentons de saisir les spécificités et la puissance symbolique ainsi que les dimensions psycho-politiques (en tant qu’engagement d’un sujet). Nous proposerons enfin l’analyse de deux pièces théâtrales « Illumination(s) » et « F(l)ammes », écrites respectivement en 2012 et 2016 et rassemblées dans l’édition d’un même ouvrage (Madani, 2017). Homme de théâtre français d’origine algérienne , Ahmed Madani a écrit ces deux pièces avec des jeunes hommes (pour la première) et avec des jeunes femmes (pour la deuxième), auteurs-acteurs non professionnels vivant en banlieues franciliennes et s’étant prêtés au jeu d’une élaboration collective. On cherchera à montrer la manière, dont l’H-histoire s’est écrite, selon que le dispositif associait et tendait le micro ou le stylo à des garçons ou à des filles.
Cherchant à étudier en particulier les conditions concrètes d’individuation des filles et des femmes (perspective longitudinale) en tant que préoccupation sociale actuelle majeure, nous trouvons, dans ces matériaux, des conditions favorables à l’approfondissement de nos questions.
Ma cité mon cocon. Jeunes filles entre elles et entre soi
Le documentaire « Ma cité mon cocon. Jeunes filles entre elles et entre soi »[2], a été diffusé à quatre reprises entre 2006 et 2015, avec différentes introductions et mises en perspective. Tout en sollicitant une curiosité bienveillante à l’égard des « jeunes filles en fleurs » et invitant à une écoute hospitalière de l’altérité, il met en question la capacité d’une radio publique à orienter et à renouveler la réception du côté de l’auditeur. Sans excès de relativisme, il s’agit pourtant de considérer les crises, difficultés, crispations, rationalisations, assignations comme des phénomènes somme toute communs à tout groupe, tout milieu. L’enjeu est de limiter les risques de stigmatisation en dirigeant l’attention vers des interstices, des invisibles pourtant porteurs d’initiatives et d’autres manières d’habiter le monde. Une forme d’intelligence sensible, pratique, plurielle, collective, relationnelle et non dogmatique peut advenir si l’on reconnaît une dimension littéralement « extra-ordinaire » de l’expérience d’écoute offerte par la création journalistique et sa programmation sur les ondes. Elle présage d’une capacité à se situer dans des rapports de flux plus que dans des rapports de force (Bonhet, 2016) et à savoir transformer ceux-ci en ceux-là, conjointement par les interviewées et par ceux qui les écoutent.
Pour entamer l’étude, nous avons tenté d’approcher une poétique de l’individuation en tant que déploiement dans les espaces vitaux[3] : un exercice poétique a permis d’explorer la thématique de la ville et l’hypothèse d’une sortie concrète et symbolique des assignations subies, en renversant la situation minoritaire qui devient une chance pour une sortie du ban. Puis, de manière plus systématique (Bouissou, 2015) et afin d’appuyer l’idée selon laquelle l’émancipation ne se trouve pas dans la non contrainte, mais requiert plutôt de revenir, de dénouer, de délier des liens trop serrés, nous avons mis en évidence la force polyphonique de l’entretien radiophonique. Ainsi, la problématique de jeunes filles dominées, de l’extérieur, par des contraintes et des normes (matérielles, sociales, familiales) et traversées par le genre, n’exclue pas d’identifier (et de « performer ») un rapport souple et ouvert à ces contraintes, avec lesquelles elles se construisent, se meuvent et se déterritorialisent, quand les garçons, mieux tolérés qu’elles au bas de l’immeuble, n’en partent pas et se figent sans doute d’autant plus dans une « identité ». La question des rapports nord-sud (Worms et Tin, 2017) traverse la problématique, ainsi que celle du silence des pères, dont les filles témoignent par une prise de parole décalée, dans les temps et les espaces.
La notion de raison nomade chère au philosophe Borrell (1993) mais aussi celle de bisexualité psychique développée par Kristeva (2002) ouvrent à ce type d’hypothèse. Les notions de solidarité, d’affidamento (Irigaray, 1990 ; Muraro, 1987) ont également leur place. L’interview, collective, se fait entendre en tant qu’espace renaissant, « parrêsiastique » (Fleury, 2003 ; Foucault, 2009) : où il se dit quelque chose, où se préserve le lien en risquant le dé-lien, a contrario d’un discours en surplomb.
Le deuxième matériau contient une problématique voisine, tout en permettent d’analyser plus finement les ressorts d’une intelligence co-construite des rapports de forces.
Pèlerinage en décalage. Aborder autrement le conflit
Le conflit et l’opposition structurent en profondeur les subjectivités occidentales et les pensées philosophiques et politiques de la modernité. Il s’agit d’une question cruciale si on s’intéresse à l’implication civique, à la possibilité de s’exprimer et d’être entendu publiquement. L’enjeu ici n’est pas tant le conflit israélo-palestinien (sa compréhension, sa résolution) que le positionnement et la volonté de l’aborder autrement, la distance aidant (disent-elles), à dialoguer, à sortir des cadres habituels et à imaginer un projet rassembleur.
Étudiantes promises à un avenir dans le journalisme ou la politique, Kenza et Inès ont été, très jeunes, confrontées aux problématiques liées au conflit Israélo-palestinien. Afin de recréer un dialogue qu’elles considèrent bloqué, elles ont cherché à construire un espace de découverte et de discussion décalé[4]. Kenza et Inès se sont connues en 2007 sur les bancs de Sciences Po. Pourtant, rien ne les prédestinait à se rencontrer : alors qu’Inès est française et grandit à Jérusalem, Kenza, elle, naît et grandit au Maroc. Pendant qu’Inès étudie la sociologie urbaine et les politiques publiques de la ville, Kenza s’intéresse aux relations internationales et la résolution de conflits. Paradoxalement, c’est pendant leur année d’échange, passée au Caire pour Inès et à Tel-Aviv pour Kenza, qu’elles vont se rapprocher. Après leurs études et quelques expériences professionnelles, elles décident de créer le premier festival israélo-palestinien artistique et indépendant à Paris. Les deux jeunes femmes se présentent sur la scène de TED[5] et font le récit du projet qu’elles ont mené ensemble.
L’occasion est trouvée de traiter la question par un rapport au langage différent voire « différant », en se situant conjointement dans la relation intersubjective (je-tu, nous-vous) et dans une relation publique, civique, englobante (nous deux, nous tous).
Le duo prend le parti de-ne-pas-prendre-parti (dans les débats tels qu’ils existent et se figent) et cependant d’agir, en se situant dans un espace représentationnel redéfini, poreux, sensible. Très exposées sur la scène, les jeunes femmes ne privilégient ni l’expertise ni le message didactique. Ceci est rendu possible par une exotopie sans rupture et une cognition fondée sur le care : une formalisation qui sépare, désamalgame et décrispe (ni radicale opposition ni confusion). Elles créent et performent une mise en mouvement symbolique : processus de dédoublement et de distanciation entre un événement et sa mise en verbe.
A notre oreille, cela fonctionne comme une invite au discernement, en direction de tout un chacun (Buber, 1959). Elles font le constat d’un échec qui nous concerne tous : notre propre façon de parler emprisonne la question. Elles utilisent le « on », pour signifier « nous deux », ou pour signifier « nous tous ». Cette ambigüité fait habilement entendre une solidarité non rompue avec la communauté humaine. Si elles jouent avec l’ambiguïté ou le flou, dans un jeu d’ombres et de lumières, elles sont sans détour sur des analyses sociopolitiques, avec des messages hyper-synthétiques à propos de l’histoire du conflit israélo-palestinien (« des ramifications très profondes »). Elles ne jugent pas, ne déplorent pas, ni ne rient. Elles ont construit une normativité (Canguilhem, 1947) qui vertèbre leur rapport au monde, appuyé sur une connaissance certaine du sujet, une prise de recul favorisant l’appropriation et finalement, un engagement dans l’action (a contrario d’une normalisation sclérosante) : « à partir de là on n’allait pas en rester là, bien sûr » ; « on a décidé de se lancer et de créer » (Aloui & Weill-Rochant, 2016).
On note une relation directe entre envie d’agir et action, une dynamique et et une confrontation aux réalités concrètes (plutôt que la défense d’une identité figée, inerte). Bien que sans salle ni argent, elles concrétisent leur idée avec les réseaux sociaux: conception du titre, contact avec des artistes, recherche de financement, logistique. Elles s’inspirent de films, de musées et de artistes : « on s’est rendu compte que l’art est un moyen, moins prétentieux que d’autres, qui permet d’aborder tous les sujets et surtout les plus sensibles ». Elles cherchent « quelque chose de brut, d’humain, sans intermédiaire, et sans débat sans fin », préfèrent l’art qui se vit, « mobilis-acteur », à la démarche politique classique (« [qui] n’était pas faite pour nous ») et performent un féminin politique, en essor et en éveil, dont la fraicheur est saisissante. Ce style est fait de sagacité et de mètis, d’une forme de rationalité propre à penser et à agir, hic et nunc, dans un champ délimité de possibles. La référence au méditerranéen Camus affleure dans les propos des jeunes femmes, introduit les thématiques de la résilience-résistance, de la poétique et de l’engagement et rend synchrones, pour le spectateur-internaute, des espaces-temps la plupart du temps disjoints.
Le troisième matériau devrait permettre d’affiner la compréhension de l’expérience subjective en création en soulignant des contrastes entre poïétique du féminin et du masculin.
Illumination(s) et F(l)ammes
Se fait entendre, dans « F(l)ammes »[6], un chœur de onze filles identifiées et spécifiées par leur prénom et leur histoire (conflit avec le père, construction d’une famille, relation forte avec la grand-mère, trajectoire socio-culturo-géographique familiale, circoncision, relation avec l’entraîneur d’une équipe sportive…). Des récits autobiographiques, contrastés, colorés, traversés d’une intelligence du sensible et des mouvements[7] expliquent une trajectoire de vie (la leur, et celle du père ou celle de la mère…) faite de tensions entre natal et avenir, entre intime et universel, entre identique et différent. Au contraire, la pièce « Illumination(s) » [8] se présente comme le lieu d’un grand récit, d’une H-histoire que chacun incarne et qui le rend semblable aux autres, tous partageant un même sort. Un seul prénom, Lakhdar, est donné à tous (le fils, le père, le grand-père, le harki, les neuf vigiles), dans un rapport fusionnel (à plusieurs niveaux : dans l’entre soi, dans la trame intergénérationnelle et vis-à-vis des « ils » anonymes évoquant ceux qui les ont dominés, eux et leurs semblables).
La pièce « F(l)ammes » donne au masculin une place importante, au travers des références aux figures masculines significatives pour les actrices (leurs pères en particulier)[9], sans oublier la présence du metteur en scène, partenaire d’écriture. La symétrie ne s’observe pas quand prend parole le masculin : dans « Illumination(s) » des hommes parlent entre eux, d’eux-mêmes, de leurs pères ; la figure du féminin n’est évoquée qu’une seule fois, à l’occasion d’un rêve.
En d’autres termes, nous sommes sensibles à la polarité qui émerge entre ces deux pièces, avec d’une part la mise en scène de controverses incarnées dans la dramaturgie de « F(l)ammes » par un jeu complexe de contradictions et d’héritages et d’autre part l’incarnation d’une conflictualité socio-historique algéro-française qui traverse les générations dans la pièce « Illumination(s ), au risque de les figer ». Aussi, l’idée selon laquelle un même « destin » enchaîne et déchaîne la représentation du masculin alors qu’une même quête de « destinations » s’exprime dans la représentation du féminin, devra conduire à poursuivre la réflexion et à étendre nos matériaux.
Peut-on identifier encore plus précisément la mise en récit d’un itinéraire personnel et familial parsemé d’embûches (qui caractériserait peut-être le travail conduit avec ou à propos de jeunes femmes) versus la mise en récit d’une problématique identitaire transgénérationnelle traumatique (qui caractériserait plutôt le type de travail conduit avec, ou à propos, de jeunes hommes) ?
Peut-on mieux connaître les procès psychologiques caractéristiques d’une activité de perlaboration versus les procès psychologiques caractéristiques d’une activité d’identification-introjection[10], à la fois chez les auteurs-acteurs, chez les spectateurs, chez les producteurs, et au niveau des représentations culturelles et de l’histoire des mentalités ? Car en effet, l’état d’esprit, les mentalités d’une société, la dynamique d’un milieu, d’un écosystème de réception, à un moment donné de l’Histoire, ne sont-ils pas des topoï propres à la fabrication de représentations, de création et de renforcement des stéréotypes ou au contraire à leur progressive altération[11] ?
A ce stade, on peut formuler l’hypothèse selon laquelle un « genre de rapport » au monde, particulièrement campé dans certaines représentations du féminin en tant que rapport mobile et altérant à l’existence (y compris à soi et aux siens), comprend une forme d’exil, d’exotopie, d’étrangeté, de « différance » (capacité à différer) et de médiation vis-à-vis du réel. Pour illustrer l’hypothèse on pourrait emprunter la notion d’ostranenyie : « Les récits, en dépit du caractère standard des scénarios par lesquels ils racontent la vie, gardent une place pour les brèches et les écarts qui créent ce que les formalistes russes ont appelé ostranenyie : faire en sorte que ce qui est trop familier redevienne étrange » (Bruner, 1996b, pp. 125-126).
Ce « genre de rapport » existe-t-il (est-il repérable, comment se reproduit-il et s’exprime-t-il) dans une diversité d’œuvres, de créations, de performances porteuses de représentations, de schémas, de tropismes, de traces, de tendances ?
Par ailleurs, comment mieux cerner les tropismes propres à la mise en scène des H-histoires au masculin ? Peut-on en étudier le traitement médiatique, culturel, artistique, scientifique (en général et aussi en particulier) ? Car à ce jour, ce traitement pourrait paraître arrêté, figé, réservé à l’évocation (plus souvent qu’à l’éloquence) de problématiques traumatiques qui collent à la peau, expliquent et forgent un destin. Pourtant des initiatives se multiplient, comme celle, par exemple, de l’artiste D’de Kabal (2019) fondateur du « Laboratoire de déconstruction et de redéfinition du masculin par l’art et le sensible », que nous étudions actuellement.
Ainsi, pour prolonger, et dans un souci d’éducation, de transmission, de médiation du masculin, on pourra s’intéresser aux figures de référence dans la formation des individualités. Quelle mobilité, labilité, audace, risque permettent-elles ? Quelle place pour l’imaginaire ? Quelle reconfiguration possible, individuation et rephasage des ordres symboliques ? Quelle capacitation possible (Fleury 2015) ?
On pourra ainsi travailler l’hypothèse selon laquelle les entreprises de re-médiation et de re-travail, de retour réflexif et de mise en mots, de création et d’anamnèse sont contenues et soutenues dans le travail de symbolisation autour du féminin comme du masculin, à destination d’un bien commun transversal à tous les genres (Bouissou, 2020 ; Naves, 2020).
Pour des genres de rapport
Nous voudrions clore ce texte en soulignant l’intérêt de revisiter des fondamentaux de la vie et du psychisme humains, par exemple en s’intéressant aux ressorts de la symbolisation et de la perlaboration, en termes individuels comme sur le plan de l’histoire des mentalités (Martinez, 2004 ; Revel, 1996) et de la transmission intergénérationnelle ; il s’agit en effet de placer l’étude du fonctionnement humain dans un espace vital le plus large possible, où l’imaginaire a sa place. La fonction symbolique est essentielle à l’humanisation, elle constitue un enjeu considérable en termes de développement, d’expérience et d’épreuve (appropriation, étude, déconstruction, renouvellement), et s’avère indispensable à la formation d’un éthos et au soin qu’une vie adulte peut choisir de lui apporter (Ternynck, 2011). Il faut souligner le rôle crucial de la polarité et de la normativité dans l’organisation psychique : elles sont des points d’appui et de stabilité indispensables à la subjectivation, à l’orientation de la conduite, à la santé, à la raison (Jeler, 2014). L’esprit humain fonctionne en dynamique, entre tensions, conflits, canalisation et stabilisation de l’énergie vitale vers des objets (Duroux, 2011).
Les rapports de force et leurs représentations font l’objet d’un vif intérêt de la part des médias, des réseaux sociaux et des espaces de création. Telle émission radiophonique, telle performance visible sur la toile, tel travail théâtral constituent un ensemble d’œuvres traversé par les problématiques de la conflictualité (rapports nord sud, exil, conflit israélo-palestinien, tensions et transmissions familiales, relations garçons filles), de même qu’ils sont des opportunités de créativité et des moyens d’agir dans le monde.
Notre intérêt pour le fait humain plongé dans le social nous conduit donc à l’aborder en termes de développement, d’expérience et d’épreuve (plutôt qu’en termes d’essence) et à y reconnaître un mode, un devoir-être, une axiologie (plutôt que d’y voir ou d’y chercher l’expression d’une ontologie, d’une substance, d’une identité, d’un primat du sujet). Cela a des conséquences en termes de valeurs : si elles sont centrales dans l’action, dans la vie, dans le réel, elles introduisent à un rapport, tant de soutien que de conflictualité (Macherey, 2016). On peut en effet considérer que la conflictualité oriente l’action : en y apportant et en y intégrant une négativité, part d’ombre intrinsèque à la condition et à l’action humaines (d’une certaine façon, irrémédiablement vouées à l’échec), elle offre au sujet une position d’altérité, l’obligation de faire des choix, de se polariser, de s’engager dans une positivité qu’il conquiert par ce mouvement même d’engagement dans un choix et un devoir-être. Vivre, c’est préférer et exclure (Macherey, 2016).
Dans cette perspective, c’est la distance au monde, pour mieux y revenir, et un certain rapport au sens qui conduisent, forgent le sujet et peuvent l’aider à fuir si nécessaire, les grilles et les pièges du symbolique ; il peut ainsi établir un « genre de rapport » au sens et au langage, conduisant à l’effort, au travail, à la création, et à une forme d’exil vis-à-vis de l’intangible. A ces conditions, s’ouvre un devenir.
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Notes
[1] Le tournant linguistique ne s’est cristallisé dans aucune tradition ; pas de programme, pas d’école, mais une idée transversale et un geste : l’expérience et son rapport à la réalité ne peuvent être pensés en dehors de la médiation du langage. De manière plus radicale, la réalité demeure hors de toute prise, le langage seul peut l’exprimer et le langage seul constitue une réalité (Müller, Encyclopædia Universalis).
[2] France culture, https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/ma-cite-mon-cocon-jeunes-filles-entre-elles-et-entre-soi-2006
[3] Notamment à partir des poètes ou chercheurs en esthétique, que sont W. Benjamin, G. Didi-Huberman, P. Chamoiseau, R. Char, P.-P. Pasolini (voir Bouissou, 2020).
[5] TED, https://m.youtube.com/watch?v=KYDfPSukAI0 TED est un propagateur d’idées dont l’ambition est de mettre en avant des acteurs non médiatiques, non reconnus dans leur univers pour donner envie à d’autres, susciter l’innovation et lever les barrières mentales ou culturelles. La première formule est apparue en 1984 aux E.U, en 2009 en France ; TEDx women est créé en 2010 aux E.U., en 2013 en France.
[7] La pièce se structure come une série d’ « embrouilles » entre filles quant au lien entre couleur de peau, pays d’origine et probabilités d’être ou non reconnue comme françaises, où nous percevons une recherche de discernement : « Ne pas être pareille et être pareille aux autres filles » ; « Ça veut dire quoi être française ? » ; « Arabe et voile, ça n’a rien à voir » ; « Appartenir à un pays , vivre dans un pays qui n’est pas le tien mais qui est le tien » ; « Les personnes qui sont le plus proches de toi c’est aussi celles qui peuvent être celles qui sont le plus loin, celles qui te rejettent le plus » ; Je suis pareille je me cherche ; « Un homme c’est un être humain comme les autres » ; « Tu te bas au sein même de ta famille, tu te bas dehors, tu te bas dedans, tout est rupture, et tu cherches un lien aux autres, à toi » ; « Je n’ai pas eu le courage de leur dire bien en face : vous que j’aime et qui m’aimez, je vous l’dis, je pars, je vous quitte, j’me tire, j’me casse » ; « J’ai l’impression qu’elle (la mère) voit à travers moi ce qu’elle aurait aimé être » ; « Je fais son parcours à elle avec mes passions à moi ».
[9] y compris en intégrant dans le récit d’une des actrices, l’événement tragique de « Illumination(s) » relatif au meurtre d’un vigile, meurtre dont le père de la narratrice a été témoin.
[10] On peut penser ici au slogan « je suis Charlie ».
[11] On peut évoquer le cas du jeune acteur incarnant Krimo dans le film L’Esquive, de A. Kechiche (2003), qui plusieurs années après la sortie du film, déclare à la presse son amertume quant à l’abandon (rejet, désintérêt, indifférence) dont il a fait l’objet, et semble incarner le jeune garçon déphasé (abusé, désabusé ?) qu’il a interprété. L’exemple est frappant car plusieurs actrices de L’Esquive (ou autres films de Kechiche) ont poursuivi et développé une carrière, s’y reconnaissent et s’y font reconnaître.