L’impact de la Grande Guerre sur le quotidien des gens ordinaires d’après des correspondances intimes peu lettrées
Béatrice dal bo, PRAXILING –5267, Université Paul-Valéry (Montpellier)
Introduction
Le point de départ de notre recherche est la compréhension de la Première Guerre mondiale non seulement en tant qu’événement historique, mais aussi linguistique[1]. Pour cela, nous envisageons plus particulièrement la population peu lettrée[2] du début du XXe siècle : c’est par cet événement que la plupart des scripteurs peu lettrés sont amenés à une pratique régulière de l’écrit. Le lien étroit entre la diffusion de masse de l’écriture et l’événement spécifique de la Grande Guerre, souligné notamment par l’historien Antonio Gibelli[3], est à l’origine du nombre élevé d’écrits de guerre (lettres, carnets, témoignages de guerre) rédigés par ces scripteurs, dont certains ont été conservés. Ils constituent aujourd’hui des documents d’archives d’une grande richesse, encore peu exploités[4]. Parmi ceux-ci, nous nous intéressons notamment, dans le cadre des recherches du projet Corpus 14[5] et de ma thèse de doctorat, aux écritures épistolaires peu lettrées.
Ces sources peu connues nous fournissent un aperçu de ce que signifie la guerre pour les gens ordinaires. Quels changements engendrés par la Grande Guerre dans le quotidien des femmes et des hommes sont exprimés dans ces lettres ? Nous nous focaliserons dans cette étude notamment sur l’expérience féminine, en la croisant par la suite, dans une perspective comparative, à l’expérience masculine.
Nous avons ainsi constitué pour cette étude un corpus de lettres écrites par trois scripteurs peu lettrés : il s’agit de la correspondance entre Marie Fabre et son époux Pierre Fabre, cultivateurs de l’Hérault, et de la correspondance de Victoria Arcis, cultivatrice de l’Ardèche, s’adressant à son époux Félicien[6].
Après avoir contextualisé cette recherche, nous procéderons à l’analyse du corpus retenu. Pour interroger les impacts de la Grande Guerre sur la vie de ces scripteurs tels qu’ils émergent dans leurs discours, nous proposons une étude du lexique : nous analyserons d’abord la fréquence des mots relevée en comparant les lettres féminines et masculines ; dans un second temps, nous présenterons les résultats d’une recherche par mots-clés autour des thèmes du travail, du réseau familial et de la séparation - trois domaines caractéristiques des modifications du quotidien en temps de guerre.
1. La Grande Guerre : un événement linguistique
Dans cette première partie, nous nous proposons tout d’abord d’approfondir la perspective de la Grande Guerre en tant qu’événement linguistique et, ensuite, d’explorer quels sont les avantages et les limites d’une approche linguistique de ce sujet.
1.1 L’entrée dans l’écrit des peu lettrés du XXe siècle
Nous concevons la Première Guerre mondiale comme un événement linguistique puisqu’elle a été le phénomène déclencheur de l’entrée dans l’écrit d’une grande partie de la population peu lettrée du début du XXe siècle. Un grand nombre d’individus, hommes et femmes, se retrouvent, souvent pour la première fois, éloignés – les hommes mobilisés en guerre et les femmes à l’arrière. Ils ont alors recours à l’écriture pour conserver le contact, bien que, pour la plupart, l’écrit ne soit pas un mode de communication courant.
C’est ainsi que naît ce que l’on appelle aujourd’hui « les écritures populaires de guerre »[7]. Ces écrits peu lettrés revêtent un intérêt historique et linguistique majeur car, comme Gibelli l’indique,
ce même recours à l’écriture (épistolaire, de journaux et de témoignages de guerre) de la part d’hommes qui jusque-là en étaient restés largement exclus, constitue un indice et un aspect non secondaire de la transformation anthropologique et sociale que la guerre a contribué à produire[8].
Pour donner un aperçu de l’ampleur de ce phénomène, rappelons quelques chiffres concernant les échanges épistolaires entretenus en France : environ 10 milliards de lettres ont été écrites et échangées tout au long de la guerre, avec, pour l’année 1915, 4 millions de lettres par jour[9]. Cela a été possible grâce à la situation d’alphabétisation du pays : l’école de la République avait permis de réduire le phénomène de l’illettrisme, et, au commencement de la guerre, moins de 5% de conscrits ne savait ni lire ni écrire, bien que la maîtrise de l’orthographe ne fût tout de même pas totale[10].
Un nombre si élevé s’explique par le besoin de maintenir des rapports avec l’arrière, qui amène les gens ordinaires à écrire : dans un contexte où le lien social repose directement sur l’écrit, « la correspondance véhicule des informations, mais surtout elle tisse et maintient quotidiennement un réseau de contacts auxquels on ne peut renoncer »[11]. Au-delà donc des informations transmises et de la narration des événements, ces lettres écrites en situation de guerre répondent à une finalité précise : comme Fabio Caffarena le rappelle, « écrire signifiait être encore vivants ; en même temps, l’arrivée de la correspondance, vécue toujours avec impatience, représentait la confirmation rassurante de ne pas être seuls et oubliés »[12].
1.2 Avantages et limites de l’approche linguistique
Quels sont les avantages d’une approche linguistique de ces sources, traditionnellement exploitées en Histoire ? Et quelles en sont les limites ?
Tout d’abord, le corpus exploité ici constitue une source encore très peu explorée, y compris par la recherche historique, puisque souvent l’on a accordé plus d’attention aux documents de la Grande Guerre rédigés par des lettrés. C’est précisément dans cette caractéristique de « peu lettré » que réside l’un des intérêts majeurs pour la recherche linguistique. En effet, ces textes nous donnent accès à l’écrit peu lettré du début du dernier siècle, en faisant témoignage d’un état particulier de la langue française : celui où, entre 1914 et 1918, elle devient le moyen par lequel se réalise la prise d’écriture des peu lettrés et se concrétise la communication privée.
Ainsi, plusieurs enjeux sont apparus dans le travail sur ce nouvel objet de recherche. Dans une perspective diachronique d’histoire interne et externe de la langue, en analysant un tel corpus nous pouvons interroger la diffusion du français chez les ruraux peu scolarisés, les variétés de français pratiquées par les soldats et leur famille, les zones d’instabilité de la langue écrite telles qu’elles sont représentées dans ces documents d’archives.
En outre, par une approche relevant de l’analyse de discours, nous pouvons examiner les contenus de lettres écrites en situation de guerre et mettre en lumière les discours des hommes et des femmes français peu lettrés pendant la Grande Guerre. De plus, l’approche quantitative, rendue possible par l’exploitation du corpus par des logiciels tels que TXM[13], permet dans l’ensemble une analyse plus objective des données, étant des résultats quantifiables[14].
Pour ce qui concerne les limites de ce genre de recherches linguistiques, on peut avancer qu’elles soulèvent la question de la représentativité. En effet, de telles études doivent nécessairement se confronter à la taille du corpus : à cause de la rareté de ces archives, du temps nécessaire à la transcription et au traitement des données, le corpus collecté peut être considéré, du point de vue de la linguistique de corpus, comme un corpus de petite taille. Il convient également d’ajouter que les compétences scripturales varient d’une personne à une autre. Pour ces raisons, il est nécessaire d’observer une certaine prudence dans la généralisation des résultats obtenus.
2. Analyse du corpus
2.1 Présentation des scripteurs
Marie Viste et Pierre Fabre sont deux cultivateurs de l’Hérault, ils vivent au Moulin de Vergouniac, dans la ferme des parents de Marie. Ils s’occupent des travaux des champs et des affaires agricoles. Pierre est mobilisé le 3 août 1914 à l’âge de 25 ans ; à ce moment, Marie, du même âge que son époux, attend un enfant. La correspondance qui nous est parvenue compte 90 lettres échangées entre 1914 et 1915, dont 40 sont écrites par Marie à l’attention de Pierre et 50 par Pierre à l’attention de Marie.
Victoria Chayne habite en Ardèche, à Chazeaux, avec son mari Félicien Arcis, cultivateur. Victoria et sa famille ne semblent pas posséder de terres : lorsque Félicien est mobilisé le 1er août 1914, Victoria, alors âgée de 30 ans, devra donc trouver des ressources diverses pour vivre. Nous disposons de 203 lettres que Victoria a adressées à son époux de 1914 à 1917.
Dans le cadre du projet Corpus 14, ces corpus, une fois collectés, ont été transcrits en effectuant une transcription fidèle des textes originaux et en utilisant les normes d’encodage TEI[15]. Cela permet par la suite un traitement informatisé textométrique des données grâce à l’exploitation du logiciel TXM[16], dont nous nous sommes servi pour cette étude.
2.2 Analyse fréquentielle des mots
Nous abordons notre corpus dans un premier temps par une analyse de la liste fréquentielle des mots de chaque scripteur. Ces listes, générées automatiquement par le logiciel TXM, classent les mots appartenant à chaque sous-corpus[17] en fonction de leur fréquence : nous obtenons ainsi un premier aperçu des mots les plus récurrents. Cet index permet de nous fournir des premiers résultats.
Ainsi, les dix premiers mots pleins (substantif, adjectifs, verbes) les plus fréquents de chaque scripteur sont les suivants :
- Victoria (66 316 mots) : cher (468) ; Félicien (431) ; dit (370, v. prés., p.p.) ; mari (355) ; lettre (327) ; petit (313) ; peut (305) ; temps (256) ; bonne (248) ; petite (248).
- Marie (26 266 mots) : chèr (183) ; petit (182) ; fait (158, v. prés.; p.p.) ; chéri (146) ; faire (121) ; dit (106, v. prés.; p.p.) ; Dieu (101) ; jour (95) ; temp (80) ; bon (77).
- Pierre (14 841 mots) : Epouse (88) ; chère (84) ; faire (73) ; petit (71) ; fait (52, v. prés.; p.p.) ; Epoux (48) ; Pau (43) ; fois (42) ; Pierre (40) ; lettre (38).
En classant les mots ainsi relevés, nous pouvons présenter d’abord des considérations valables pour les trois sous-corpus.
Premièrement, nous trouvons des mots qui font partie des plus récurrents dans la langue en général[18] : c’est le cas des verbes faire et dire, que nous retrouvons ici sous différentes formes – indicatif présent, participe passé, infinitif – et du substantif temps. La présence du verbe pouvoir[19] répond à deux explications principales : d’un côté, comme faire et dire, il est un verbe très courant ; de l’autre, il renvoie à un emploi plus spécifique fréquent dans les échanges épistolaires peu lettrés. En effet, il est fréquemment utilisé dans la formule tu peux croire (108) avec une fonction de marqueur discursif[20].
Deuxièmement, certaines unités lexicales sont à rapporter au cadre textuel et stylistique propre aux échanges épistolaires. En effet, les lettres des scripteurs peu lettrés présentent dans la plupart des cas des formules rituelles d’ouverture et de clôture[21]. C’est donc dans ce cadre spécifique à l’écriture épistolaire que nous analysons la présence de termes à haute fréquence tels que : dans le sous-corpus de Victoria, cher, Félicien, mari, lettre, petit, bonne, petite ; dans le sous-corpus de Marie, chèr, chéri ; dans le sous-corpus de Pierre, Epouse, chère, Epoux, Pau, fois, Pierre, lettre.
Au-delà de ces éléments communs aux trois sous-corpus, il ne reste que quelques termes propres à chacun d’entre eux : petit, Dieu, jour, bon dans le sous-corpus de Marie, petit dans celui de Pierre. Pour les examiner, nous avons procédé à une analyse des cooccurrents proches du mot cible (à distance de 3 mots maximum dans le contexte droit et gauche) individués par le logiciel TXM. Nous ne reportons que les cooccurrents au-dessus de 15 attestations.
Dans les lettres de Marie, les trois emplois les plus fréquents de l’unité lexicale petit se trouvent : dans l’expression mon petit cour[22] (29), apostrophe utilisée pour s’adresser à Pierre ; dans la formule affectueuse petit Aimé (22) par laquelle elle désigne leur enfant ; notre petit (19), en emploi adjectival ou nominal, de même que notre cher petit (11) ; dans les collocations petit instant (11) et petit moment (9). La fréquence élevée du substantif Dieu met en évidence la place de la religion dans le discours de Marie. Ce terme a comme cooccurrent principal l’adjectif bon, dernier mot de la liste de fréquence de Marie présentée plus haut. Ainsi, la collocation le bon Dieu s’élève à 51 occurrences, le groupe prépositionnel a Dieu[23] à 9, dont 8 fois où il est le complément d’objet indirect du verbe demander. Le nom Dieu paraît enfin dans les interjections a mon Dieu (9), mon Dieu (4), oh mon Dieu (2)[24]. Le substantif jour est attesté avec des nuances sémantiques différentes. L’expression temporelle l’autre jour (10) se réfère au temps chronologique, tandis que un jour (26) exprime soit une durée définie (« qu’ant même que tu reste un jour sans nouvelles », 28.11.14) soit un point temporel indéterminé (« […] pour que nous ayons le bonheur de nous revoir un jour tous ensemble », 03.09.14).
Dans la correspondance de Pierre, nous retrouvons les mêmes données que chez Marie au sujet du mot petit. D’un côté, la formule affectueuse petit Aimé apparaît 26 fois, dont 23 en cooccurrence avec Embrasse/embrassez dans le cadre des formules de clôture de ses lettres, et notre (cher, 5) petit est attesté 7 fois ; de l’autre, nous retrouvons les collocations temporelles petit instant (9) et petit moment (3).
Nous voyons ainsi qu’à ce niveau d’analyse de fréquence, le rapprochement entre chaque sous-corpus met en évidence l’expérience de chaque individu plutôt qu’une distinction franche entre expériences féminines et masculines. On pourrait par exemple s’attendre à une fréquence élevée du mot travail dans les écritures des femmes, alors que cela n’apparaît pas et ce sont plutôt les évocations du jeune fils qui prédominent dans la correspondance de Marie, de même que dans celle de Pierre.
2.3 Recherche par mots-clés
Nous allons donc chercher plus loin dans la liste de fréquence des mots pour trouver des unités lexicales se rapportant à des changements survenus dans la vie quotidienne des scripteurs, et pouvoir les examiner dans une perspective comparative. Pour cela, il s’est avéré nécessaire de conjuguer aux outils de recherche informatisés un travail d’analyse du corpus de nature qualitative : c’est par le croisement de l’exploration manuelle et de la recherche par mots-clés outillée que nous avons poursuivi notre analyse. En effet, les moyens d’analyse purement informatisés doivent être confrontés ici à des facteurs de nature extralinguistique tels que la variété des expériences individuelles de chaque scripteur. Les thématiques abordées ici se matérialisent ainsi par un réseau lexical diffus : il est alors nécessaire d’articuler l’analyse quantitative et l’analyse qualitative. Cette approche nous amène à explorer les sphères du travail, du réseau familial et de la séparation.
2.3.1. Le travail
Le premier domaine de la vie quotidienne qui a modifié en profondeur l’expérience féminine est celui du travail. Les femmes doivent en ce moment historique prendre la place des hommes, appelés au front, et se substituer à eux pour tout type de travail[25].
Dans notre corpus, nous trouvons ainsi deux expériences différentes, celle de Victoria et celle de Marie. Nous les explorons au moyen des termes qui désignent les différentes activités constituant le travail quotidien de chacune[26].
Ainsi, pour Victoria, au-delà des mots-clés hyperonymiques travail (11) et travailler (ainsi que les formes de son paradigme travaille, travaillé(e), 10), nous pouvons regrouper les termes relevés en deux ensembles qui renvoient, l’un, aux travaux dans les champs : chataignes (et chataigner/chataigné, 20), en cooccurrence avec ramasser (et ramasér), ramassé (10), vendange, vendanger (et vendangerons, 11), raisins (9), en cooccurrence avec coupér, coupé (4), vin (4), recolte (3), blé (1) ; l’autre, au travail en usine : cartonnage (5), en cooccurrence avec patron (2), fabrique (1).
Cela s’explique par le fait que Victoria et Félicien ne semblent pas posséder de champs. Félicien parti au front, Victoria doit d’un côté faire des travaux agricoles : « je vais vite ramasser des chataignes, et tu sait qu'avec la bise les épines font mal, j'aimerais mieux couper des raisins au charbonniér que d'être à ramasser des chataignes » (Victoria, 18.10.1916) ; et, de l’autre, elle se dirige vers d’autres types de travail, tels que le cartonnage. Dans son quotidien, les travaux agricoles et le travail en fabrique s’accumulent :
Cher Félicien aujourd'hui ma lettre ne sera pas bien longue, car je aider à chataignièr à Berthe Chabrolin, mais rien qu'aujourd'hui, j ai idée d'aller travailler à la fabrique pour attandre ce cartonnage c'est bien long. (Victoria, 07.11.1916).
Dans le corpus de Marie, outre les hyperonymes travail (n.), travaille (v.) (18), nous relevons les termes suivants : vache(s) (16), pommes de terre (5), moudre (5), foin (4), seigle (3), cochon(s) (2), semer (1), récolte (1). L’expérience de Marie est donc différente : le travail se constitue pour elle exclusivement du travail des champs. Cela découle de sa situation personnelle : puisqu’elle habite et travaille à la ferme de ses parents, elle ne se trouve pas, comme Victoria, dans les circonstances de devoir chercher du travail ailleurs ; elle supplée Pierre dans les travaux quotidiens, tout en restant dans son entourage familial. Travail et réseau familial se trouvent ainsi fortement entrelacés :
Nous voila arrivé du champ [...] et le temp que le soupé se prépare nous sommes tous disperçé chaqu'un a notre travail Papa soigne les vaches Maman les autres betes et moi mon travail c'est presque tous les soir le moulin [...] (Marie, 24.09.1914).
Dans ce quotidien réaménagé, il est intéressant de voir comment nous pouvons ressentir à la lecture des lettres l’importance de la présence masculine, soustraite en ce moment par la guerre, dans la gestion des affaires de la ferme. Plusieurs fois, il arrive que Marie en informe de façon détaillée Pierre, en lui demandant parfois des conseils :
[…] chéri jen profite pour te dire ceque nous avons décidé de faire [...] et bien cher Epoux nous n'avons pas encore vendu le veau [...] nous en avions parlé tous ensemble avec nos parents de malbosc mais nous disions que peut être sa sarangeré autrement il vaudrait mieu le mettre dehor [...] nous vandronz toujours roussèle car a ce qu'il parait les vaches vielles ou les moutons c'est ce qui se ven le mieu apresan je ne sais pas chèr Pierre si tu trouvera que nous feson bien ou mal mais croi que nous ne savons pas trop comment faire pour faire mieu (Marie, 24.09.1914).
En écrivant « je ne sais pas chèr Pierre si tu trouvera que nous feson bien ou mal mais croi que nous ne savons pas trop comment faire pour faire mieu », Marie fait appel à l’avis de Pierre. Dans quelle mesure sont donc, dans ce cas et dans beaucoup d’autres[27], redéfinis les rôles de l’homme et de la femme ?
Enfin, nous interrogeons la correspondance de Pierre afin d’essayer de comprendre comment ces modifications de l’expérience du travail sont vécues par lui-même. Nous en trouvons des traces dans les échos et les retours aux questions de Marie :
J'ai reçu aujourd'hui ta carte et une lettre me disant ou me racontant un peu vos affaires Ah ! chère Epouse vous pouvez bien faire comme comme vous l'entendrais surement que vous ferez toujours bien. pour moi je suis bien contant de savoir ce que vous faites mais ne me demandais pas si vous faites bien ou mal. car je ne puis rien vous répondre. [...] Oh ! chère Marinette si tu savais comme les affaires de la maison me preoccupent peu ce n'est pas a cela que je pense je sais tres bien que la maison tout peut marcher sans que je donne mes idees [...] (Pierre, 06.12.1914).
Pierre, devant les hésitations de sa femme, écrit « je sais tres bien que la maison tout peut marcher sans que je donne mes idees » et fait donc un pas en arrière en choisissant de ne pas diriger la ferme de loin : son absence signifie pour lui faire confiance à sa famille et céder sa place à tous les niveaux, tant sur le pan concret des travaux physiques que sur celui de l’organisation et de la gestion des affaires.
2.3.2. Le réseau familial
En temps de guerre, le domaine du réseau familial (ici exploré à travers les termes de parenté mère/maman, père/papa, parents, sœur(s), frère(s), oncle, tante) est également soumis à des changements.
Chez Victoria, le mot mère est utilisé dans 47 occurrences (sur 61) en référence à la mère de Félicien : il paraît en cooccurrence directe avec les déterminants possessifs ta 44 fois, une fois avec sa et une fois avec leur. Cette haute fréquence des cooccurrents dévoile des rapports très conflictuels entre Victoria et sa belle-famille. C’est le cas déjà au début de la guerre :
Cher Felicien, tu vois je suis bien raisonnable je leur [à ta mère et ta sœur] et laissé tous les raisins du Blaze tout ce qui avait au jardin aussi j'ai fait de mon mieux pour lui faire plaisir, et encore elle dit bien des refrains après moi (Victoria, 19.10.14).
Les années suivantes, les relations entre Victoria et sa belle-mère semblent rester de cette nature, voire empirer :
Je t'avait demandér si tu avait écrit à ta mère, et tu ne m'en parle pas, tu peut lui demandér ce certificat que je tiendrais d'avoir et qui me revient, et puis laisse là tu sait qu'elle en dit aprés moi, je finit par en avoir assez depuis que je suis mariée cela dure, elle dit que j'ai pas soin de toi, et que je gaspille tout mon argent, que tu est malheureux avec moi, qu'elle te plaint beaucoup [...] voit quand je vois qu'on parle àprés moi que je le merite pas, j'aimerais mieux être morte, si c'était pas de toi tu peut croire que je leur ferais tenir leur langue [...] (Victoria, 05.01.1916).
Victoria dénonce dans plusieurs lettres adressées à son mari l’attitude de sa belle-mère - « tu sait qu'elle en dit aprés moi, je finit par en avoir assez depuis que je suis mariée cela dure » - souvent conjointe à celle de ses belles-sœurs et beaux-frères. Face à des tels récits, nous nous demandons si l’on peut considérer l’absence forcée du mari Félicien comme facteur qui aggrave les tensions familiales. On pourrait formuler l’hypothèse que, les époux absents, les femmes se retrouvent des cibles d’une certaine manière plus fragilisées et pour cela plus enclines à subir des pressions provenant du reste de l’entourage familial.
Chez Marie, nous constatons une situation différente. Comme nous l’avons déjà vu, du fait qu’elle vit et travaille à la ferme de ses parents, travail et réseau familial sont pour elle deux aspects qui se mêlent quotidiennement, dans une ambiance d’aide réciproque. Dans ce cadre, la belle-famille participe aussi en jouant un rôle d’aide :
pour le travail chèr Pièrre que cela ne te tracasse pas tout ce fait tant ici come a malbosc […] nous autre nous avons hier au soir rentré tout le foin de la pièce c'est une groce charge de moins aujourd'hui Papa a comencé a coupé le pré de l'autre coté de rivière et puis je pense que mon beau père reviendra [...] avec la machine un matin et après dinér papa y va cela fait que eux nous aident bien a nous et nous aussi a eux donc cheri ne te tracasse pas tout ce fera avec le temp et la patience (Marie, 13.07.1915).
Pourtant, même au sein d’une famille comme celle de Marie, nous percevons parfois des déséquilibres dans les rapports. Cela ressort surtout à l’occasion de l’hospitalisation de Pierre ; Marie souhaiterait vivement aller lui rendre visite mais toute la famille le lui interdit, à cause de sa grossesse en cours :
l'orsque nous avons reçu ta carte nous disant que tu etait bléssé jai dit dessuitte que ou que tu sois je voulez venir te voir même je croyai bien le faire mai maintenant car personne ne me disait non mais apresant que le moment est arriver personne ne le veut ni ma bélle mêre ni ma mère ni mes belles soeur tant celle dici que celle de cicinon elle me disent que dans l'état ou je me trouve le voyage me ferait mal toujours chér Epoux je ferai mon possible pour les décidér et si a toute condition elle ne veulent pas qu'elqu'un viendra les uns ou les autres (Marie, 29.08.1914)
Marie devra donc renoncer à lui rendre visite, ce qui lui causera un profond chagrin : elle paraît ici en position de faiblesse, dépendante et soumise aux décisions prises par les autres membres de sa famille. De quelle façon la guerre influe-t-elle alors sur les rapports familiaux ? Dans quelle mesure est-elle un véritable facteur d’émancipation des femmes ?
L’expérience de la guerre vécue par les soldats est marquée de façon intrinsèque par l’éloignement de la famille. Pour Pierre aussi, le réseau familial est forcément peu présent dans la vie de tous les jours. Il revit cependant dans les visites qu’il reçoit de la part de ses proches, des moments qui s’étendent comme des ponts pouvant (r)établir un contact avec l’arrière. Pierre raconte ainsi à Marie la visite reçue de son beau-frère :
Tu me dis chère Marie qu'il te semblait nous voir tous deux avec mon beau frère tu me dis que j'ai du être contant oui je lai été j'ai ete plus que contant car j'aurais pleuré de joie je ne puis avoir plus beau jour sauf celui ou je pourrai te serre dans mais bras comme lui depuis que Piarrillou est venu ces journees me passent sans men appercevoir. Il me semble que toutes les journees se succedent a lundi Ce contantement chère Epouse sera surement passé a toi ce Matin (Pierre, 15.10.1914).
C’est ainsi que le visiteur se fait lien vivant, plus fort que celui fourni par l’écriture, porteur de la possibilité de transmettre messages et émotions de l’arrière au front et vice-versa : « ce contantement chère Epouse sera surement passé a toi ce Matin ».
2.3.3. La séparation
Enfin, le dernier domaine que nous explorons est celui de la séparation, nouvelle condition de vie imposée aux couples par la guerre. À la lecture de ces correspondances, il ressort que cet aspect se décline différemment chez les scripteurs.
La séparation semble avant tout émerger dans les lettres de Victoria au moyen de l’expression le temps me (52)/ nous (3) dure (beaucoup, 18), ou bien sous la forme intransitive du verbe durer (4). Cette locution est principalement associée aux verbes voir (14), revoir (9) et embrasser (5), avec le pronom personnel objet te. Ce patron forme des phrases qui reviennent de façon presque stéréotypée dans son écriture telles que :
peut être aura tu le bonheur d'être auprés de nous ce c'est ce que je désire de tout mon coeur, car tu peut croire mon cher mari que le temps me dure beaucoup de te voir et de t'embrasser, vivons avec espoir que ce soit bientôt (Victoria, 11.03.1916)
Cette tournure, employée pour exprimer le sentiment d’attente provoqué par la condition de séparation, est liée à l’impatience de Victoria de recevoir des nouvelles ainsi qu’au souhait que cette séparation se termine – ne serait-ce que pour quelques jours - et que les deux époux puissent se retrouver. Ce sentiment d’attente est souvent exprimé par le groupe nominal ce (beau, 3) jour (de délivrance 2, de joie 1, de paix 1), qui apparaît dans diverses tournures (26), par exemple associé au verbe venir au futur (14) : « tu peut croire que je voudrais bien que tu soit prés de moi il faut bien espéree que ce jour viendra mais c'est bien long » (Victoria, 08.10.1916).
Dans l’expérience de Marie, une des conséquences de la séparation de son époux consiste dans le fait que Pierre ne pourra pas profiter de la toute petite enfance de son fils :
sa me fait souvent mal au cour qu'ant je vois si heureuse avec notre chèr enfant dans les bras et au millieu de nos cher parent qui ne savent plus quoi nous faire tent au petit que a moi et mon chèr Epoux son très cher papa si éloigné de tous et être privé de la connaissance de son enfant je voudrez bien te faire part de mon bonheur mais je ne peux pas tout ce que je ferai chéri je ferai le possible pour tecrire un peu plus régulièrement (Marie, 03.02.1915).
Parallèlement, la séparation est vécue par Pierre comme un obstacle à la connaissance de son enfant, qui s’accompagne par conséquent d’un sentiment d’attente :
Que je serai heureux si je pouvai ceulement venir passer un jour pres de vous tous toi de notre cher enfant et de tous. Oh ! cherie de quel poix me dechargerai-je. Ce poix qui me pèses tant en mon coeur et qui me fait tant lenguir. L'envie dembrasser ce petit chèr inconnu que tu me dis si beau et si aimable. […] Mais tout m'est impossible. je dois encore attendre et toujours attandre (Pierre, 06.12.1914).
Le fait d’être séparé, nouvel aspect du quotidien générateur de douleur et d’attente pour tous, semble ainsi avoir un impact très net sur la maternité et la paternité de Marie et Pierre. Pour Victoria, cette condition semble plutôt faire naître le souhait de la fin de la guerre comme rétablissement du quotidien d’avant de façon plus générale.
2.4 Synthèse de l’analyse
L’analyse effectuée révèle des similitudes dans l’expérience féminine de Victoria et Marie : toutes les deux doivent se confronter à une nouvelle approche et à une nouvelle gestion du travail et du réseau familial. Dans ce cadre, l’expérience individuelle de chacune entre en jeu et détermine des différences et des particularités. Ainsi, Marie, qui possède un bien, se trouve face à de nouvelles responsabilités dans la gestion de la ferme ; son émancipation semble pourtant limitée par le rôle de l’entourage familial, qui prend le relais du mari absent. De son côté, Victoria survit en louant ses services : tout en étant dans une situation d’indépendance majeure, où le rôle du mari est limité au fait de jouer les intermédiaires entre elle et sa belle-mère, elle apparaît sujette aux pressions de sa belle-famille. Inversement, l’expérience de Pierre l’éloigne du rôle qu’il jouait au travail et au sein de sa famille. Le point sur lequel les vécus des femmes et des hommes se rejoignent est la condition de séparation imposée, dont le poids affecte le couple dans son ensemble, tout en revêtant des formes différentes à l’intérieur de chaque couple.
Conclusion
Par cette analyse lexicale de la correspondance de Victoria, Marie et Pierre, nous avons proposé un bref aperçu des changements survenus dans leur quotidien tels que nous pouvons les saisir à la lecture de ces lettres.
Néanmoins, l’équilibre à trouver entre expérience généralisable et vécu personnel de chacun demeure délicat. Dans quelle mesure peut-on juger les expériences racontées par ces scripteurs représentatives des impacts de la Grande Guerre sur le quotidien des individus ? Pour tenter de répondre à cette question, il est intéressant de rapprocher le corpus examiné avec un corpus de correspondances de lettrés édité et étudié par Clémentine Vidal-Naquet[28].
Pour ce qui concerne le travail, nous retrouvons un cas de figure similaire à celui de Marie et Pierre chez le couple formé par Hippolyte Bougaud et Félicie Mougeot. Ils exploitent ensemble des terres et, Hippolyte au front, Félicie en prend la direction. L’historienne écrit :
À distance, par le biais des correspondances, les hommes recommandent, ordonnent, donnent des instructions tandis que leur conjointe questionne, demande conseil et avis. Les femmes remplacent donc les mobilisés, mais elles ne semblent pas pour autant les évincer. Ainsi la prise en main féminine des affaires, immédiate et souvent efficace, n’élimine-t-elle aucunement la présence masculine […][29].
Sur ces bases, nous pouvons considérer comme élément largement partagé et donc caractérisant l’expérience féminine pendant la Grande Guerre le fait que la femme doit, quand cela est possible, se substituer à son époux dans le travail et qu’elle lui demande des conseils. Toutefois, nous identifions un élément de variation dans l’attitude de l’époux à l’égard des demandes de sa femme : s’il arrive qu’Hippolyte continue à participer à la gestion malgré la distance, Pierre se décharge complètement de la tâche.
De même, nous retrouvons des similitudes avec l’expérience de Victoria et Marie concernant leurs réseaux familiaux dans la correspondance de Georges et Lily R. Vidal-Naquet souligne les « réticences » de la belle-famille à l’idée que Lily aille rendre visite à Georges, qui se trouve à l’hôpital. De ce fait, elle n’y ira pas, mais ses relations avec ses beaux-parents sont définies comme « houleuses » par l’historienne[30]. De plus, comme Marie et Pierre, ce couple attend un enfant, la séparation est alors « source de frustration pour le couple, et plus encore pour Georges, qui comprend rapidement qu’il sera privé de ces premiers instants »[31].
En conclusion, nous pouvons donc estimer que les changements advenus dans le travail et dans les réseaux familiaux dont nous trouvons témoignage dans notre corpus, de même que certains effets de la séparation, sont des conséquences typiques de la Grande Guerre. Les récits des peu lettrés semblent rejoindre sous certains aspects ceux des lettrés : nous pouvons ainsi supposer que les impacts de la guerre peuvent se retrouver à une échelle plus vaste, sans pour autant négliger le rôle que l’expérience individuelle revêt pour chacun.
[1] Pour le concept d’événement linguistique, voir Jacques guilhaumou, « Vers une histoire des événements linguistiques. Un nouveau protocole d'accord entre l'historien et le linguiste », dans Histoire/Épistémologie/Langage, tome 18, fascicule 2, 1996, p. 103-126.
[2] Nous reprenons la définition donnée par Sonia branca-rosoff et Nathalie schneider, L’écriture des citoyens, Paris, Klincksieck, 1994, p. 9 : « […] entre les deux [les illettrés et les lettrés], il y a le groupe de ceux qui emploient une langue non conforme ».
[3] Antonio gibelli, « Pratica della scrittura e mutamento sociale. Orientamento e ipotesi », dans Materiali di lavoro, n. 1-2, 1987, p. 10.
[4] Cf. les travaux en histoire d’Antonio Gibelli et Fabio Caffarena pour l’Italie, de Frédéric Rousseau pour la France. En linguistique, Henri Frei s’est intéressé à ce matériau dès la fin de la Grande Guerre dans son ouvrage La grammaire des fautes, éditée la première fois en 1929.
[5] http://www.univ-montp3.fr/corpus14/. Cf. aussi : Agnès steuckardt (éd.), Entre village et tranchées. L’écriture de Poilus ordinaires, Uzès, Inclinaison, 2015.
[6] Ce choix est motivé par la disponibilité du corpus au moment du déroulement de cette étude : parmi les fonds du projet Corpus14, il s’agit des correspondances bilatérales qui comptent le nombre le plus élevé de lettres écrites par des femmes. La correspondance de Félicien Arcis étant en cours de transcription, il n’a pas été possible de l’intégrer à l’analyse.
[7] Antonio gibelli, L'officina della guerra. La Grande Guerra e le trasformazioni del mondo mentale, Torino, Bollati Boringhieri, 2007 (1991), p. 4.
[8] Ibid., p. 5. Les citations originairement en italien ont été traduites par nous-même.
[9] Gérard baconnier, André minet, Louis soler, La plume au fusil. Les Poilus du Midi à travers leur correspondance, Toulouse, Privat, 1985, p. 29.
[10] Pour l’histoire de l’alphabétisation française : François furet, Jacques ozouf, Lire et écrire. L’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Minuit, 1977. Pour une étude de l’orthographe des documents du projet Corpus 14, cf. Jean-Christophe pellat, « Les graphies des Poilus, loin des canons orthographiques », dans Agnès steuckardt (éd.), op. cit., p. 67-77.
[11] Fabio caffarena, Lettere dalla Grande Guerra. Scritture del quotidiano, monumenti della memoria, fonti per la storia. Il caso italiano, Milano, Unicopli, 2005, p. 70.
[12] Fabio caffarena, « Le scritture dei soldati semplici », dans l’édition italienne de Stéphane audoin-rouzeau, Jean-Jacques becker (éds.), Encyclopédie de la Grande Guerre 19141918, Paris, Bayard, 2004, [Antonio gibelli (éd.), La prima guerra mondiale, Torino, Einaudi, 2007] p. 645â€660, p. 649.
[14] Pour une étude discursive et lexicométrique d’un corpus de correspondances de la Grande Guerre, voir : Jean-Michel géa, Écrire en situation d’urgence, étude discursive et sociolinguistique de deux correspondances de guerre (1914-1918), Thèse de doctorat ès Lettres (dir. Sonia Branca-Rosoff), Université de Provence I, 1997.
[17] Nous entendons par sous-corpus l’ensemble des lettres que chaque scripteur a écrit. Nous analysons donc ici trois sous-corpus : celui de Victoria, de Marie et de Pierre.
[18] On peut vérifier la fréquence des mots dans la langue en général grâce à de larges corpus. Cf. http://www.lexique.org/listes/liste_mots.txt.
[19] Dans la correspondance de Victoria, très fréquent dans une forme graphique unique (peut) utilisée pour les trois premières personnes de l’indicatif présent.
[20] Cf. Beatrice dal bo, Chantal wionet (à paraître), « Alleviare l’assenza : la modalità ingiuntiva in alcune lettere di donne peu-lettrées durante la Grande Guerra », Congresso internazionale In guerra con le parole / En guerre avec les mots, Genova, Italia.
[21] Les formules d’ouverture comportent le plus souvent le lieu et la date, l’adresse au destinataire, des considérations concernant le courrier et la santé ; tandis que les formules de clôture contiennent notamment une formule de salutation et la signature du scripteur. En outre, les adresses au destinataire peuvent apparaître à plusieurs reprises aussi bien dans le corps de la lettre même : c’est par ce moyen aussi qu’un lien plus étroit, un rapprochement entre les épistoliers est établi. Pour une analyse plus détaillée, cf. Sybille Große, Agnès steuckardt, Lena sowada, Beatrice dal bo, « Du rituel à l’individuel dans des correspondances peu lettrées de la Grande Guerre », dans Franck neveu et alii (éds.), Actes du V Congrès Mondial de Linguistique Française, SHS Web of Conferences, v. 27, 2016. http://dx.doi.org/10.1051/shsconf/20162706008.
[22] Orthographe normée : petit cœur.
[23] Orthographe normée : à Dieu.
[24] Orthographe normée : ah mon Dieu.
[25] Cf. Françoise thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14, Paris, Éditions Payot & Rivages, 2013.
[26] Nous avons gardé l’orthographe fidèle ; lorsque les deux graphies sont utilisées, nous n’avons reporté que la graphie normée.
[27] Les demandes de conseils de la part des femmes aux époux absents sont en effet récurrentes dans les échanges épistolaires peu lettrés.
[28] Clémentine vidal-naquet, Correspondances conjugales 1914-1918. Dans l’intimité de la Grande Guerre, Paris, Éditions Robert Laffont, 2014.
[29] Clémentine vidal-naquet, op.cit., p. 2.
[30] Ibid., p. 968.
[31] Ibid.