Un regard sur les manifestations plastiques du Mexique et leurs défis historiques : du Modernisme à la génération de Los Grupos
Adalberto Mejía, LLACS – EA 4582, Université Paul Valéry (Montpellier)
Exorde
L’histoire et le présent de l’humain (et le profil de son futur aussi) se composent d’un constant va-et-vient de constructions, ruptures et transformations sociales. Dans la lutte pour la préservation d’une culture ou d’un noyau social déterminé, il existe la plupart du temps une autre lutte qui essaye d’imposer, depuis une perspective différente, ce qu’elle croit être mieux. Dans les deux cas, le nom de la « légitimité » est revendiqué. Donc, les déclencheurs sont mis sur scène : dans le théâtre de notre histoire, le sang et la mort d’un côté, la coercition des nouveaux ordres et l’invitation à une certaine manière de civilité, sont la forme et le fond qui définissent une partie importante de notre trace dans le monde. Lorsque l’exercice de la « légitimité » est en marche, l’acteur principal ─ nous ─ s’aperçoit qu’elle évolue aussi bien dans la pensée que dans la géographie. Eduardo Galeano l’a dit d’une manière illustrative :
Al Oeste: el sacrificio de la justicia, en nombre de la libertad, en los altares de la diosa Productividad. Al Este: el sacrificio de la libertad, en nombre de la justicia, en los altares de la diosa Productividad. Al sur, estamos todavía en tiempo de preguntarnos si esa diosa merece nuestras vidas[1].
Le sablier a commencé son décompte pour les sociétés des suds, parmi lesquelles il est possible de trouver des pratiques tant de l’« Ouest » que de l’« Est », mais aussi des pratiques qui échappent à la façon de ces ordres sociaux. La révolution a coûté de nombreux sacrifices aux sociétés des suds, mais quand elles trouvent l’axe de la collectivité, du sens commun et du dialogue, des structures sociales autonomes se forment, dont la participation des habitants favorise une meilleure façon de vivre. Tels sont les cas, au Mexique, de la communauté du Cherán, à Michoacán, ou des nids/communes zapatistes à Chiapas, où chaque population a un régime organisé par ses propres habitants dont l’éducation et l’économie sont complètement opposées à ce qui est habituellement revendiqué par les règles de l’occident et de l’orient.
Mais, il semblerait que les deux cas antérieurs ne sont que des exemples utopiques et que, à la façon des tragédies grecques, nous sommes condamnés par les actions et les réactions de nos ancêtres. Où est le deux ex-machina qui peut changer non seulement les évènements, mais aussi les prévenir et rééduquer notre conscience en conséquent ? Tant d’années, tant de femmes, d’hommes, d’enfants et d’anciens, tant d’exodes, de pérégrinations religieuses et pour la seule raison de survivre, tant d’espoir et de colère, et de regrets, et de frontières qui changent, et de tortures, et d’incompréhensions mais aussi du respect et de l’intérêt pour le bien-être de l’autre… Où voulons-nous aller ? Est-ce que la guerre et la paix sont la même cicatrice naturelle dans laquelle nous confions notre vie ? Au nom de qui ou pour quelles ressources, qui tue qui ? Quel empire a écrasé des écritures, des coutumes et des habitants distincts ? Il y en a encore quelques-uns qui se plaisent dans certaines idéologies. Qu’est-ce que l’humain a appris des expériences antérieures ? Loin des appréciations postmodernes, Platon avait déjà averti dans La République que tout système, radical ou non, a ses conséquences.
Cet article a l’objectif d’exposer une tentative de réponse aux questions antérieures à partir des défis qu’ont affrontés les manifestations plastiques du Mexique, notamment dans trois moments de transitions culminantes de son histoire : avant la révolution de 1910, pendant les échos des batailles postrévolutionnaires, et dans le contexte préalable et postérieur aux événements du Tlatelolco de 1968, avec des groupes qui ont fait exploser leur expressions artistiques dans la rue. En sachant que les manifestations plastiques comprises dans cette période répondent évidemment à différents besoins, le but n’est pas de se focaliser sur la composition esthétique ou sémiotique de ces expressions, ni sur la tradition ou la rupture de la tradition de chaque manifestation. Par contre, l’objectif est de souligner comment les pratiques plastiques au Mexique, pendant le contexte mentionné, ont suivi et ont réagi ─ chacun avec les possibilités de leur circonstances ─ contre les évènements et leurs effets. Ainsi, le parcours de la réflexion sera réalisé depuis les débats sur l’identité mexicaine au début du XXe siècle, en passant par le mouvement de plusieurs peintres qui ont remis en cause les résultats de la révolution et des projets de reconstruction, et ira jusqu’à l’idée du musée dans la rue et de la participation artistique dans les espaces publics, comme dans le cas du phénomène de Los Grupos.
Mais pour finir cette introduction, il ne me reste plus qu’à faire mention d’une dernière réflexion. Lors des débats de la troisième édition du Monde Festival 2016, dans la « Conversation avec Michel Serres : une autre histoire est possible », le philosophe disait ce qui suit :
…la lutte du maître contre l’esclave c’est pas comme on croit, la lutte de quelqu’un qui va enfoncer quelqu’un d’autre, non, celui qui gagne c’est celui qui a le rapport le plus proche à la mort, et donc la mort est bien le moteur de l’histoire […] entre l’âge 3500 ans avant Jésus Christ et 1880 l’humanité a été en guerre pendant 94% du temps […] et d’ailleurs depuis la fondation des États-Unis par exemple, ils ont été 92 % du temps en guerre, ils n’ont vécu que 8% de paix.[2]
À ce propos, il est important de noter que le 19 septembre 2016 le président du Mexique, Enrique Peña Nieto, a été récompensé par la médaille de l’homme d’État de l’année 2016, selon l’Association de Politique Extérieure (Foreign Policy Association, un des plus importants forums publics de New York depuis 1918). Néanmoins, force est de constater que la période présidentielle à laquelle est attribuée le prix fut l’une de plus meurtrière du XXIe siècle au Mexique : 90 573 homicides durant les quatre premières années de l’administration de Peña Nieto contre 120 341 homicides pendant le mandat de six ans de Felipe Calderón Hinojosa. Selon « Proceso », la tendance peut augmenter lors des deux dernières années du gouvernement de Peña Nieto, avec un haut pourcentage de disparus, de féminicides et d’assassinats liés au crime organisé.
1. Julio Ruelas : vers une identité mexicaine depuis la décadence
Depuis la fin du XIXe siècle, de subtils bouleversements ont occasionné un phénomène particulier et beaucoup de paradoxes entre le Porfiriat et le secteur culturel du Mexique, notamment à partir de différentes publications comme Revista Azul (1894-1896) ou la Revista Moderna (1898-1903), qui postérieurement est devenue la Revista Moderna de México (1903-1911). Tant pour le Porfiriat que pour les magazines mentionnés ─ surtout pour Revista Moderna et le cosmopolitisme qu’elle souhaitait ─ l’idée du modernisme a été partagée, car elle arrivait au bon moment et provenait d’un lieu précis : la France, dont les symboles comme Paris ou Baudelaire ont été pris comme les modèles les plus importants à suivre.
Ainsi pour le Mexique, le modernisme a signifié deux choses : d’une part, Paris a été l’exemple parfait de mode de vie, accompagné par les idéaux politiques et urbains, renforcés par la pensée positiviste du moment. D’autre part, Baudelaire a été l’artiste qui, par excellence, représentait les portes de nouveaux mondes expressifs, ainsi que de nouvelles possibilités littéraires et même idéologiques en trouvant dans la décadence une manière d’anticonformisme, dernier aspect hautement admiré chez parmi certains groupes d’artistes dont la plupart ont dirigé les magazines mentionnés.
Donc, lorsque le Porfiriat transmettait le positivisme comme mode de pensée et consolidait Mexico en accord avec une francophilie, le secteur culturel a pris un cours différent à partir du même modèle admiré. Cela a motivé, comme Adela Pineda Franco le souligne, un début dans la rupture politique du début du XXe siècle. Comme elle le dit : « el decadentismo también estuvo vinculado con el anarquismo político […] En la RM, la actitud decadente no tuvo este carácter contestatario en el sentido político y, para muchos, constituyó únicamente una moda de época.» [3] Cependant la prémisse de cet article est d’un avis différent. En ce qui concerne l’art plastique contenu dans la Revista Moderna, il y a un représentant, Julio Ruelas (1870-1907), qui a montré la transition de Mexico et aussi de l’identité mexicaine clairement distincte des statuts du Porfiriat. Cela peut se constater dans des illustrations de Ruelas par rapport à la vision positiviste de l’époque, comme par exemple les illustrations Implacable (1901), Esperanza (1902) ou Sókrates (1902).
Caractérisées par un fort symbolisme, les illustrations de Ruelas ont été capables de toucher les sujets les plus censurés de l’époque : la représentation du corps nu, encore plus grave puisqu’il s’agissait d’un corps féminin, un système de représentation avec des symboles décadentistes, c’est-à-dire, le serpent, la mort, la violence sur le corps même et l’interaction entre l’idée du corps, de l’animal et de l’objet. Certainement, cela a marqué un espace antagonique par rapport aux valeurs du Porfiriat. Or, comme le souligne encore Pineda Franco, les manifestations de la Revista Moderna trouvaient leur objectif non pas dans la rupture du régime, mais plutôt dans sa propagation :
…desde la versión de los fundadores, la RM surge como un espacio cultural antagónico a la moral pública del Porfiriato mediante la asimilación de tópicos y procedimientos provenientes del decadentismo europeo. No obstante, ésta no sólo contribuye a la propagación de las letras finiseculares europeas e hispanoamericanas, sino también a la institucionalización social de la Literatura como práctica pedagógica, así como a la reproducción de una esfera pública sustentada en costumbres y hábitos encaminados a fortalecer los mitos del régimen…[4]
Contrairement à cette idée de l’auteur, l’attitude politique et dénonciatrice de la part de Revista Moderna, mais surtout de Julio Ruelas, a montré un type d’expression qui concerne l’identité de l’artiste mexicain comme un individu en décadence et en transition. Ruelas a rejeté cette vision officielle et positiviste de l’État en le critiquant depuis son propre mécanisme intérieur, et de cette manière il a prédit vaticiné l’anticonformisme d’un mouvement de racines paysannes, le même qui, juste quelques années plus tard, a mis fin de façon sanglante au régime de Porfirio Díaz.
3. Échos de la révolution mexicaine et l’identité depuis la guerre : les cas de Saturnino Herrán et Francisco Goitia
C’est durant cette deuxième transition nationale qu’une nouvelle expression s’est ouverte à nos yeux. Il s’agit de la révolution mexicaine et de l’art plastique élaboré au long des années de cette profonde agitation sociale. On en connaît la manifestation artistique nommée muralisme, dont Diego Rivera, José Clemente Orozco et David Alfaro Siqueiros sont des représentants remarquables. Ce mouvement a rassemblé le langage pictural avec la narration, et un système symbolique avec des représentations réalistes et métaphoriques du passé et du présent mexicain. Le muralisme est un cas exemplaire de la manifestation plastique qui accompagne l’étape de la postrévolution, en réfléchissant sur la relation conflictuelle entre le l’« identité originale » du Mexicain et l’« identité cosmopolite ». En même temps, les effets collatéraux dans la reconstruction d’un idéal de nation mettaient en cause la signification des nouvelles valeurs proclamées.
Or, le muralisme est le résultat d’un processus de transition entre parmi le modernisme et le contexte révolutionnaire. Cette transition a été marquée par deux élèves de Julio Ruelas, des peintres que nous pouvons considérer comme des antécédents fondamentaux de l’expression la plus consolidée du muralisme : Saturnino Herrán (1887-1918) ─ qui, comme élève de Julio Ruelas, constitue le pont à travers lequel deux périodes distinctes peuvent communiquer –, et Francisco Goitia (1882-1960), le chroniqueur graphique de la révolution mexicaine.
Avec Ruelas nous avons vu que l’expression était plutôt dénonciatrice d’un système proche de sa fin et d’une identité changeant à partir d’une condition décadente. Néanmoins, c’est avec Herrán qu’une dénonciation systématique continue mais, cette fois-ci, par rapport à la faiblesse d’une identité qui est captif des effets de la guerre de révolution. L’expression picturale de Saturnino Herrán est composée d’une forte présence du corps et d’un monde indigéniste, fondateur et matriciel – comme il est possible de le voir dans El ciego (1914), Nuestros dioses (1915) ou La criolla del rebozo (1916). Il reprend la recherche d’un passé lointain et indigène afin de soulager le corps d’une idéologie fragmentée. Le résultat est le suivant : Herrán est un des premiers peintres qui reconstitue l’identité mexicaine à partir des traces de l’histoire, de la faiblesse, de la guerre même et de ce qui est déjà perdu. Comme un cas exemplaire, La Coatlicue (1914), ou l’image de la déesse préhispanique crucifiée récupère la signification du métissage tant pour la manifestation plastique du Mexique que pour l’identité mexicaine.
Celui qui suit de façon similaire les pas de Herrán est Francisco Goitia, grâce auquel nous pouvons trouver une collection appelée Paysages avec pendus (1914), une série picturale qui décrit ce Mexique prisonnier dans l’incertitude et dans la partialité de la révolution. L’histoire dit qu’en 1913, Goitia s’est inscrit dans le bataillon de Pancho Villa pour l’accompagner dans ses parcours militaires, mais sous la condition de ne tuer personne, et de seulement participer en tant qu’observateur et témoin. Pour cette raison il est connu comme le chroniqueur graphique de la révolution mexicaine : des paysages désolés et désertiques, la douleur indigène et la mort sont des thèmes fondamentaux dans son expression. Donc, grâce à cette action, il est possible d’avancer sur les traces de toutes ces représentations et tous ces défis face aux conflits, dans ce moment bouleversé et confus.
C’est ainsi que, à la marge du muralisme et parmi d’autres expressions, la construction de l’identité mexicaine trouve quelques réponses mais surtout des questions en relation à l’efficacité de la révolution. Tout ce que la révolution a permis, mais aussi tout ce qu’elle a quitté, détermine une identité qui avait déjà une origine conflictuelle. De plus, dans un contexte où le pouvoir du pays passe de main en main et de morts en morts, la seule certitude qu’il y a c’est ce langage qui trouve son sens dans la remémoration du passé indigène, dans la guerre et dans la constante décadence d’un projet idéologique infructueux dans une certaine mesure.
4. Los Grupos : l’art dans la rue, el arte para todos
Pour arriver à la consolidation du collectif Los Grupos, au moins une quarantaine d’années ont été nécessaires. Grâce à la formation du Syndicat des Peintres, Sculpteurs et Graveurs entre 1921 et 1925, et sa conception de l’art public, les pratiques culturelles ont évolué vers une ingérence dans la vie sociale, en permettant la communication entre les œuvres et les espaces publics. Un tel postulat a été un principe pendant le muralisme et sa vision de l’art, mais il a eu des variations lorsque Los Grupos essaient de trouver une constitution définitive.
Ce Syndicat des Peintres, Sculpteurs et Graveurs est considéré comme l’un des premiers groupes, car ils ont porté l'idée de relations entre la culture, l'art et la politique, jusqu’à une nouvelle conscience. Ainsi, différents « groupes de travailleurs de la culture » sont apparus avec l’objectif de diriger cette nouvelle conscience vers la population, comme par exemple la Ligue des Ecrivains et des Artistes révolutionnaires, de 1933 à 1937, et l’Atelier Graphique Populaire, de 1937 jusqu'à la fin du XXe siècle. Dans ce renouvellement des structures apparaît un motif essentiel : se diriger vers les intérêts de la population en reprenant le courant culturel proche des théories révolutionnaires et de sens historique. Pour ces deux groupes ce qui importait était le développement interne de la création, en réfléchissant autour des conflits internationaux, tout en pouvant partager avec la population un travail idéologique et de lutte pour la paix.
Vers les années cinquante, une vision culturelle renouvelée s’est donc instaurée. L’influence préalable du muralisme n’était pas suffisante pour explorer les conflits et l’identité au Mexique. Au contraire, les mécanismes artistiques de ce mouvement furent mis en cause, comme l’exprime Jorge Alberto Manrique, « la pintura mural no surgió de la Revolución Mexicana como un hongo, pero es indudable que tuvo una función ─tan relativa como se quiera, y sin duda lo fue─ dentro del mundo político y social en el que apareció; no en balde poco a poco el Estado la tomó a su cargo » [5]. De cette façon, deux nouveaux aspects sont intervenus sur la scène de l’art dans le pays: d'une part les artistes mexicains ont commencé à se préoccuper des événements d’autres pays ─situation qui leur rappelle leur propre histoire et la recherche identitaire─, et d’autre part, cela a provoqué des revalorisations conflictuelles autour du concept de nationalisme. L’effet de l’escuela mexicana ─qui a été défini par les jours de gloire du muralisme─ est arrivé à un décevant amalgame avec la bourgeoisie qui contrôlait le nouveau pouvoir national. C’est encore Manrique qui décrit cet épisode décisif pour le devenir de l’art plastique mexicain :
Pero quizá la muerte de la escuela mexicana no se deba sólo a su imposibilidad de cambio, a su pérdida de pie respecto a la sociedad en que se daba, el contubernio contradictorio con la nueva burguesía. Tal vez más importante que todo eso es una situación cultural más amplia, que la supera e incluye. El redescubrimiento de lo mexicano fue la grande y bella aventura del país en la primera mitad de nuestro siglo […]. Pero en la década de los años cincuenta nuestro medio empezaba a cansarse de estar preguntando por lo propio, lo auténtico de México[6].
Lorsque ce changement de conscience a été renforcé pour des raisons extérieures, comme d'autres types de statuts dans la théorie de l’art et la situation socio-économique au niveau international, le renouvellement de la vision culturelle s’est constitué principalement par la recherche d’une pratique artistique différente et pour clôturer enfin le sujet de l’identité mexicaine. Naturellement, cela a représenté une nouvelle opportunité pour briser, cette fois-ci, l’ancienne relation entre la culture et la société en faisant une pratique collective. C’est comme cela que la consolidation de l’étape connue comme Los Grupos est arrivée.
Alors, la trajectoire qu’a prise cette collectivité pendant les décennies des années soixante et soixante-dix est tout à fait différente en comparaison avec les décennies antérieures. Los Grupos rejettent l’exercice individuel de l’art (présent surtout dans les années cinquante) et cherchent une ouverture vers l'art international. Ce signifiant mouvement qui a emmené l’art dans la rue, « plus proche du peuple », a pris cependant une des prémisses fondatrice du muralisme, comme Syvia Pandolfi le souligne: « el artista plástico puede llegar a tener una injerencia directa en la vida social y política cuando su obra ha sido concebida para espacios públicos, con la intención de comunicarse con el pueblo.» [7]
C’est ainsi que, après l’éclatement des rébellions de l’année 68, avec le sentiment impérialiste des États-Unis si proche du Mexique et la nécessité d’une reconstruction identitaire pour faire face au contexte, une grande partie des associations artistiques se sont rassemblées autour de projets qui ont emmené les musées dans la rue, et qui ont provoqué el arte para todos, c’est-à-dire, des évènements artistiques qui ont restitué la valeur au sens collectif, participatif et révolutionnaire, en termes de paix et de réflexion. C’est le cas des projets comme l’exposition collective Conozca México, visite Tepito et Arte Acá, où les protagonistes ont continué d’emmener l’art dans les rues et ont fortement critiqué l’éducation et la politisation académique.
Pendant l’année 1976, le mouvement de Los Grupos s’est affirmé grâce à une invitation pour participer dans la Biennale de Paris de cette année-là, ce qui a engendré un rassemblement plus vaste et une coordination plus efficace pour constituer l’identité de ce collectif. Pendant ces années-là, il y a eu la consolidation des fondements historiques développés par Los Grupos dans leur origine grâce aussi à la participation des étudiants qui ont formé des regroupements comme Suma (1976), Mira (1977) et Germinal (1978). Leurs fondements étaient : partager des réflexions pour servir aux intérêts des travailleurs, construire un procès de création avec des objectifs en commun, et approfondir dans la réalité quotidienne pour être solidaire avec les secteurs sensibles de la population. Néanmoins cet éclat artistique a trouvé, dans la même décennie, d’autres groupes pas totalement opposés mais qui ont figuré comme une résistance culturelle : No-Grupo, Los Fotógrafos Independientes, Peyote y Compañía, et Marco. Cette résistance a représenté, sans être l’objectif principal, une autre façon de développer la transition culturelle au Mexique, jusqu’à la fin de cette vague artistique et de toute une formation qui a trouvé ses racines au début du XXe siècle.
Conclusion
Les défis que les arts plastiques mexicains ont affronté au long de ces décennies du XXe siècle diffèrent à chaque étape : la fin du Porfiriat, le développement de la révolution en 1910 ainsi que ses échos postérieurs, la construction identitaire de la nation, l’expropriation pétrolière en 1938 et l’effondrement constant de l’égalité et de la justice à la suite de ce phénomène économique, une crise qui a mis en évidence tout ce que la révolution mexicaine a pu avoir de simulacre et qui à la suite a défini la convulsion sociale et la scène artistique.
Ce très bref parcours à travers les arts plastiques au Mexique par rapport à leur défi historique peut répondre à quelques certitudes : une évidente évolution dans la façon d’exprimer les critiques, une similitude dans les attitudes dénonciatrices et constructrices de l’identité, et une diversité des réactions qui, même dans des contextes si différents, ont permis d’éclaircir un peu le cours historique d’un pays en conflit ininterrompu. Certes, dans l’ensemble nous pouvons trouver l’esquisse d’une identité à chaque fois plus complexe, et actuellement bouleversée par la présence et la quantité de morts, de disparus, de fosses communes, de luttes où le vainqueur est loin de la collectivité. Voici donc quelques réponses que l’art plastique du Mexique a données aux interrogations posées au début de cet article.
[1] Eduardo Galeano, Ser como ellos y otros artículos, Argentina, Siglo XXI, 1992, p. 110.
[2] La vidéo de « Conversation avec Michel Serres : une autre histoire est possible » est mis en ligne sur le site de Le monde : www.lemonde.fr/festival/video/2016/09/20/le-monde-festival-en-video-conversation-avec-michel-serres_
5000685_4415198.html.
[3] Adela Pineda Franco, “De poses y posturas: la exégesis literaria y el afrancesamiento en la Revista Moderna”, dans Perez-Siller, J., et Cramaussel, C. (eds.), México Francia: Memoria de una sensibilidad común; siglos XIX-XX. tomo II, Centro de estudios mexicanos y centroamericanos, 1993, p. 403-423, [en ligne] http://books.openedition.org/cemca/864, [consulté le 1/10/2016].
[4] Adela Pineda Franco, “Más allá del interior modernista: el rostro porfiriano de la Revista Moderna”, dans Revista Iberoamericana, Vol. LXXII, Núm. 214, Enero-Marzo 2006, 155-169, [en ligne], revistaiberoamericana.pitt.edu/ojs/ index.php/Iberoamericana/article/viewFile/67/69, [consulté le 30/09/2016].
[5] Jorge Alberto Manrique, Una visión del arte y de la historia, tomo IV, México, UNAM, 2007, p. 39.
[6] Jorge Alberto Manrique, op.cit., p. 41.
[7] Silvya Pandolfi, “Presentación”, dans Rita Eder, et. al. De los grupos los individuos. Artistas plásticos de los Grupos Metropolitanos, juin-août 1985, México, Instituto Nacional de Bellas Artes/SEP, 1985, p. 5.