Actes n°1 / La guerre et la paix dans les sociétés des Suds

Francesco Saverio Salfi : un rêve d'indépendance et de fédéralisme dans l'Italie pré-unitaire du XIXe siècle

Evelina Leone

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Evelina Leone, LLACS –  EA 4582, Université Paul-Valéry (Montpellier)

« Ses derniers vœux ont été pour la liberté de sa patrie. » [1]

Introduction

Francesco Saverio Salfi était un intellectuel au sens large du terme, ce que révèlent ses centres d’intérêt qui se déployaient sur différents domaines, à savoir la littérature, la critique littéraire, les sciences sociales, ainsi que les études politiques auxquelles il consacrait beaucoup de temps et d’énergie. Et c’est en particulier aux études critiques et politiques que notre réflexion s’attachera. De toute évidence, compte tenu de la longueur et de la complexité du sujet, notre article ne sera pas exhaustif. Néanmoins, il se propose de porter l’attention sur un aspect peu connu de l’auteur de Cosenza, à savoir son travail de théoricien politique. C’est ainsi que, dans un premier temps, nous présenterons rapidement la parabole intellectuelle de Francesco Saverio Salfi ; ensuite, nous essaierons de démontrer comment l’écrivain calabrais participe à la construction d’une identité et d’un imaginaire collectif dans lequel la Péninsule doit être libre et indépendante de toute domination étrangère ; nous nous focaliserons ensuite sur l’idée fédéraliste au fondement de la pensée politique de Salfi. Pour ce faire, nous avons choisi d’analyser certains extraits de ses nombreux articles publiés dans la Revue Encyclopédique et de proposer une lecture de son essai L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté[2], qui sont parmi les textes politiques les plus représentatifs de l’écrivain de Cosenza.

1. Francesco Saverio Salfi et sa formation intellectuelle entre Naples et Paris

Durant sa jeunesse, Francesco Saverio Salfi adhère aux idéaux du Siècle des Lumières[3], tout comme la plupart des intellectuels de son époque. C’est pour cela que sa première production littéraire reprend fidèlement une grande partie des topoi sociaux et politiques de son temps[4], à savoir la recherche de l’utilité publique et du bien commun, la lutte contre la superstition et le fanatisme, l’abrogation des privilèges cléricaux et la défense de la monarchie contre les prétentions temporelles de la papauté. D’ailleurs, sa formation culturelle, dans le sillage de Genovesi[5] d’abord et des philosophes ensuite, pousse le jeune auteur de Cosenza à écrire une série de pamphlets tels que Saggio di fenomeni antropologici relativi al tremuoto, Allocuzione del cardinale N.N. al Papa ou encore Riflessioni sulla Corte romana, dans lesquels ses idées politiques commencent à émerger. Bien que les écrits de Salfi soient marqués par une verve polémique à la Voltaire assez évidente, ils sont le signe flagrant de sa recherche de dialogue entre les intellectuels et la monarchie[6]. Cette conviction de la nécessité de collaboration entre les deux parties ressort non seulement dans sa façon de nommer le roi napolitain « pio Sovrano delle Sicilie Ferdinando IV »[7], mais aussi dans le soutien qu’il lui témoigne lors de la polémique qui l’oppose au Saint-Père concernant le tribut que le même roi de Naples devait payer à l’État pontifical, à savoir le don de la Chinea. De plus, ses écrits sont le fruit d’un compromis, c'est-à-dire qu’il croit encore que la voie réformiste[8] est possible. À vrai dire, dans les années 1770-1780 du XVIIIe siècle, Salfi fait partie du cercle des intellectuels qui essaient de diffuser dans le Royaume une forme de révolution réfléchie dont le but est de moderniser la vie politique et civile et donc le pays lui-même[9]. Si cette nécessité de changement et cette lutte contre l’obscurantisme, typiques de la pensée française et anglaise, permettent de placer Salfi pleinement dans le mouvement du Siècle des Lumières, le cheminement de ses idées philosophiques et politiques est beaucoup plus complexe que le simple emprunt. En effet, Salfi ne se limite pas à la réitération stérile de concepts énoncés par d’autres, mais il les articule avec la tradition italienne, à savoir Vico, Gravina, Pagano, Filangieri et Genovesi, approfondissant ainsi sa propre réflexion[10]. Cela dit, bien qu’il soit redevable à des maîtres à penser napolitains, en particulier Genovesi, l’écrivain calabrais cherche à dépasser la vision de ce dernier[11], ouvrant de cette manière de nouvelles perspectives vers une sorte de néo-naturalisme féru de la pensée des Lumières ainsi que de la pensée franc-maçonne[12]. En effet, la réflexion philosophique salfienne s’accompagne d’un engagement politique, civique et subversif de type franc-maçon que l’on retrouve jusqu’à sa mort. Au départ, s’il croit encore à l’action réformatrice du souverain napolitain, son enthousiasme envers le roi faiblira bientôt et cela à la suite de plusieurs déceptions. Premièrement, le despotisme du XVIIIe siècle est manifestement incapable d’assimiler les capacités techniques et intellectuelles[13] qui se font jour : cela pousse les individus à la rébellion, comme c’est le cas de Salfi. Deuxièmement, ce gouvernement gaspille ses énergies dans plusieurs réformes sans issue qui ne répondent pas aux attentes des intellectuels et qui ne garantissent pas non plus le bien-être du peuple. De toute évidence, selon l’analyse de Salfi, le gouvernement ne s’attaque pas à la source du sous-développement, c’est-à-dire l’inégalité sociale[14]. De plus, en réaction aux nouvelles venant de France, la Couronne abandonne la voie réformiste et change radicalement d’attitude vis-à-vis des intellectuels, laissant un climat de soupçon envahir le Royaume[15]. Alors, pour éviter l’arrestation, le de Cosenza prend la fuite, partant d’abord à Gênes, où il rejoint une très nombreuse communauté de fugitifs, avant de se rendre à Milan, ville dans laquelle il ne se limite plus à écrire des essais polémiques, mais où il devient de plus en plus actif sur le plan politique : il est alors envoyé à Paris pour chercher le soutien des Français à la cause des patriotes italiens vivant dans la République Cisalpine. Durant cette période, Salfi écrit dans le périodique Termometro politico della Lombardia et il se convainc que la seule manière possible pour l’Italie de devenir une nation est le soutien des Français. Dans cette phase de sa réflexion et de son action, il montre encore beaucoup d’enthousiasme vis-à-vis des idées révolutionnaires. Mais, à la suite des événements décevants de la Révolution française et de la chute de l’illusoire République Napolitaine, sa foi dans les valeurs jacobines commence à faiblir. C’est pourquoi ses idéaux révolutionnaires connaissent une lente évolution vers un libéralisme modéré correspondant à la maturation personnelle de l’auteur calabrais[16]. Bien que cette trajectoire soit commune à toute cette génération de théoriciens, le cas de Salfi demeure unique dans son genre étant donné sa cohérence. En effet, il reste toujours fidèle à la Raison, c’est-à-dire fidèle à la manière critique de se confronter aux problèmes d’ordre politique, social et culturel, qui est, en réalité, l’élément le plus innovant de ce courant des Lumières[17]. Pendant son enseignement universitaire, il réfléchit non seulement au rôle que le philosophe républicain joue dans la société[18] de l’époque mais également aux effets que la philosophie a eus sur la Révolution, Révolution qui, selon Salfi, a risqué d’anéantir les fondements même du changement politique qu’elle était censée apporter[19]. Dès son arrivée à Paris, et tout au long de son exil parisien qui va de 1815 à 1832, année de sa mort, il fréquente les salons littéraires les plus exclusifs qui lui permettent d’enrichir sa réflexion et sa pensée, mais également de tisser des liens d’amitié avec les intellectuels les plus brillants de son temps, comme le philosophe et lettré Ginguené, la femme de lettres Sophie de Condorcet, ainsi que le linguiste et critique Claude Fauriel, l’historien François Guizot ou encore le directeur de la Revue Encyclopédique Marc Antoine Jullien. Il est à noter également qu’il reprend et mène jusqu’à son terme l’ouvrage de Ginguené, Histoire littéraire d’Italie[20]. Dans cet ouvrage, qui retrace l’histoire littéraire et philosophique de la Péninsule, du XVIe jusqu’au XVIIe siècle, Salfi porte son attention sur la naissance du concept d’identité italienne. En fait, selon ce dernier, à partir de la philosophie et en passant par la littérature et la langue, émerge peu à peu la conscience de la « nation ». À travers l’analyse des auteurs de la période et de leurs œuvres, le jeune historien calabrais met en relief comment, dans les réflexions des grands penseurs des siècles passés, circulait déjà le sentiment d’appartenir à une entité culturelle qui n’était pas encore politique. Vu qu’il existait une étroite relation entre les deux « entités », tout au long des siècles, ce sentiment d’appartenance communautaire grandit peu à peu pour se transformer de simple aspiration à revendication. En d’autres termes, aux yeux de Salfi, les intellectuels souhaitent que l’Italie puisse, enfin, devenir une véritable entité territoriale et politique unifiée, bien avant l’unité d’Italie advenue en 1861. En outre, dès 1819 et jusqu’à l’année de sa mort, Salfi collabore en tant que rédacteur à la Revue Encyclopédique[21], et adhère pleinement aux idéaux qui animent le périodique[22], sans compter les nombreux articles dans lesquels il mène une réflexion sur la condition politique de l’Italie. Ce faisant, il mûrit sa pensée politique et c’est pourquoi, en 1821, son essai intitulé L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté voit le jour. Tout au long de cet essai, Salfi s’interroge sur la forme la plus appropriée pour les états de la Péninsule, c’est-à-dire la forme représentative élective. D’ailleurs, dans la pensée politique des années parisiennes de l’idéologue calabrais, il n’y a plus de place pour les illusions nées de la Révolution, comme il l’écrit lui-même quelques années plus tard dans un intéressant compte rendu à propos des Utopistes tels Platon, Moro, Campanella. Salfi y dresse l’inventaire des républiques idéales et s’exprime en ces termes : 

Nous condamnons […] ces projets chimériques, ces moyens violens, qu’au lieu d’atteindre le but que l’on se propose, s’en éloignent encore davantage. […] Appelés à une amélioration progressive, les hommes ne peuvent demeurer long-tems stationnaires, sans se détériorer. On doit donc faire tous les efforts convenables pour les diriger et les conduire vers leur véritable destination. Et ce ne sont que les lumières qui peuvent la réaliser. Ce n’est que par ce moyen que chacun peut, et doit contribuer au perfectionnement de l’espèce humaine. Toute autre tentative serait violente et illégale[23].

2. L’identité italienne in nuce

Dans un article particulièrement éclairant, que nous avons déjà eu l’occasion de citer, le chercheur Franco Venturi parle de « Risorgimento », et avance qu’il est possible d’en parler à partir du moment où un groupe d’hommes, fût-il réduit, met l’Unité de l’Italie au cœur de son programme et de son action[24]. Quant à l’historien Alberto Mario Banti, il parle également de « Risorgimento », insistant bien sur le fait qu’il s’agit d’un long processus culturel et politique qui a débuté à la fin du XVIIIe siècle et qui a vu ses attentes clarifiées au début du XIXe siècle[25]. Mais, bien avant ces deux historiens, le philosophe Benedetto Croce soutenait que, dans le groupe de patriotes napolitains qui se trouvaient à Milan, se concrétisait un programme politique reconductible au Risorgimento. C’est pourquoi Salfi, de son côté, s’inscrit parfaitement dans ce sillage, étant donné qu’il consacre tous ses efforts d’homme politique et de théoricien au service de la cause de « l’unification » entre Milan, Naples et Paris dans des années assez turbulentes. En outre, Venturi retrace rapidement l’histoire du courant politique jacobin dans la Péninsule en ces termes : « il fiore del nostro giacobinismo sta a Napoli, dove più perfetta fu la fusione della grande tradizione di cultura e di quelle forze morali che le idee della Rivoluzione francese avevano saputo suscitare » [26]. En d’autres termes, la révolution jacobine éclate dans la capitale du Royaume de Naples qui s’avère l’endroit le plus propice à une fusion parfaite entre la grande tradition culturelle italienne et les idées provenant de l’Hexagone, mais également le lieu où la classe intellectuelle et la noblesse montrent un très grand enthousiasme vis-à-vis des idées françaises. En outre, parlant de cette classe intellectuelle et politique dont Salfi faisait partie, le chercheur italien met l’accent sur la volonté, voire même le besoin et l’impératif, de se consacrer à la société afin de lui permettre de progresser[27]. Il n’est donc pas étonnant qu’ayant grandi et s’étant formé dans ce milieu, Salfi continue son action politique « active », non seulement en tant que frère maçon participant à des réunions secrètes, mais également en tant que collaborateur de l’un des journaux les plus actifs, le Termometro Politico della Lombardia. Et il la poursuit également en France avec la publication d’environ 300 articles dans la Revue Encyclopédique. D’ailleurs, le périodique français ayant pour but, comme l’affirmait le directeur de la revue Marc Antoine Jullien, « le perfectionnement de l’homme, le bonheur des individus », « la prospérité des nations, la stabilité des gouvernements » et enfin « le développement des facultés humaines rapporté au perfectionnement social » [28] , il permet au patriote de promouvoir la culture et la littérature italiennes et de servir ainsi son pays mais également de trouver une rente pour vivre dans la capitale. Cet idéal de progrès tient à cœur au directeur de la revue qui consacre à la « civilisation » une grande partie de ses articles. Selon la définition que Marc Antoine Jullien en donne lui-même : 

{La} civilisation […] est le mot d’ordre de notre siècle. Il exprime à la fois le mouvement général des esprits vers tous les genres de perfectionnement social et industriel, le libre développement des facultés de l’homme appliquées à la conservation et à l’amélioration de sa condition sur terre, et le résultat de cette activité intellectuelle et de ce mouvement spontané des individus et des sociétés[29].

Par ailleurs, comme le souligne De Sanctis, la littérature permet à l’âme et à la conscience de s’élever non seulement en créant un homme complet, c’est-à-dire un homme citoyen et patriote, mais également en lui permettant d’exprimer ses sentiments[30]. C’est pourquoi Salfi, à travers la presse italienne d’abord et française ensuite, et par le biais de ses essais, peut exprimer ses propres pensées et, dans le même temps, poursuivre sa mission philanthropique de perfectionnement de l’homme sous tous ses aspects. De ce fait, dans l’une des toutes premières recensions, datée de 1819 et parue dans la Revue Encyclopédique, « Du génie des Italiens et de l’état actuel de leur littérature », un véritable essai sur l’état de la littérature du Bel Paese, l’auteur de Cosenza écrit : 

Ce qui nous convient de rechercher, c’est le rang que doit occuper l’Italie dans la république des lettres aujourd’hui que la plupart des autres nations on fait de si étonnans progrès dans la civilisation et dans les beaux-arts en général. Essayons donc de tracer un tableau de l’Italie littéraire. […] Au lieu de répéter ce qu'elle a été, il sera plus utile d'indiquer ce qu'elle est, ou mieux encore ce qu'elle pourrait devenir[31].

En premier lieu, dans son article, Salfi analyse la littérature et la culture italiennes pour les faire découvrir, notamment en France. Et, pour ce faire, il met l’accent sur la contribution que l’Italie a apportée à la civilisation européenne au fil des siècles, étant donné que, selon sa vision, les Italiens sont caractérisés par « une grande fécondité, une verve prodigieuse, une singulière flexibilité d’esprits » [32]. Salfi veut, ou pour mieux dire rêve que la Péninsule puisse reconquérir la place qu’elle mérite dans la République des Lettres d’Europe. À ce stade de son raisonnement, il cherche à déterminer quel est le futur de l’Italie parmi les nations issues de la civilisation européenne. Alors, il dresse l’inventaire des talents italiens qui ont laissé leur empreinte et conclut amèrement par ces mots : 

Malgré ces preuves éclatantes du génie des Italiens, on les a crus inférieurs aux autres nations, sous le rapport de l’étendue et de la profondeur des connaissances, à cause de la nature de leurs gouvernemens, qu’on supposait ne devoir produire que des esprits aussi petits et restreints qu’ils le sont eux-mêmes[33].

Par conséquent, en soulignant le rapport entre littérature et culture, Salfi fait ressortir implicitement le fil existant entre culture et patrie. Autrement dit, en s’appuyant sur le binôme culture-pays, l’essayiste calabrais porte son attention sur l’idée d’une conscience nationale naissante. Ce discours patriotique[34], d’ailleurs, n’est pas nouveau, car Salfi avait déjà abordé ce sujet par le passé, dans certains de ses ouvrages de jeunesse[35]. Mais il devient encore plus flagrant dans les pages du Giornale de’ patrioti d’Italia, notamment quand Salfi s’adresse en termes vibrants au patriotes italiens[36] : 

Italiani ! La natura non ha diviso i vostri interessi. Essa ci ha assegnato per confini le Alpi. […] Dentro la vostra fortunata penisola non esistono altre divisioni, che quelle che vi hanno seminato la tirannia straniera da una parte, e la superstizione papale dall’altra. La catena degli Appennini che unisce la sassosa Liguria all’ardusta Calabria parte tante popolazioni che dovrebbero esser gli anelli della catena sociale italiana, e mostra che siete un tutto, che nulla dovrebbe separare. La lingua, i costumi, l’indole, il temperamento vi vogliono un sol popolo[37].  

Dans ce texte bref mais intense, plein d’espoir et de fierté, Salfi ne cesse de répéter à plusieurs reprises les termes « patriotisme », « patriote », « patrie », ainsi que le mot « Italiens », avec une majuscule, faisant ressortir déjà une unité qui existerait de facto. L’analyse de la condition politique de l’Italie est toujours au cœur de l’action politico-littéraire du franc-maçon qui montre la nécessité de transformer cette civilisation italienne en entité politique, c’est-à-dire en un territoire unifié et indépendant des puissances allochtones, avec une nouvelle organisation politique. Et c’est notamment sur la forme du gouvernement que la Péninsule devrait adopter que sa réflexion politique se concentre dans les années 1820. C’est pourquoi Salfi compose L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d'accorder en Italie le pouvoir avec la liberté[38]. En effet, le patriote a une idée très précise quant au type d’organisation politique qu’il faudra mettre en place en Italie, à savoir une confédération d’états[39]. L’analyse de ce système confédératif fait l’objet de l’essai dont l’idée centrale est précisément celle d’accorder le pouvoir avec la « sage liberté » invoquée, à cette époque, par une grande partie de l’opinion publique.

3. Penser le fédéralisme en Italie

Dans l’essai auquel nous venons de faire référence, « L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d'accorder en Italie le pouvoir avec la liberté » [40], Salfi, mêlant civilisation et philosophie, cherche à comprendre ce qu’est l’opinion. À ses yeux, « la force » des gouvernements dérive de l’idée dominante qui n’est rien d’autre que l’opinion du peuple, c’est-à-dire « la nation elle-même ». Et, dans cette optique, le théoricien de Cosenza précise que la force d’une nation ne réside pas dans la volonté individuelle ou dans celle des régnants, bien au contraire. Pour lui, en effet, la nation « ne peut être forte que de la volonté de ceux qui la secondent » [41], à savoir la volonté majoritaire de ceux qui soutiennent l’opinion, cette dernière devenant, par conséquent, dominante. Mais Salfi s’interroge également sur le processus qui permet à une idée de devenir « solide », étant donné que cette « solidité » ne vient pas d’elle-même mais de la ténacité de ses partisans, qu’il s’agisse du plus grand nombre ou d’un cercle plus restreint d’individus particulièrement déterminés. Poursuivant son raisonnement, le patriote calabrais souligne qu’il s’agit exactement de la même dynamique qui permet à un autocrate de rester en place, puisque ce dernier fonde son pouvoir sur l’idée la plus puissante qui n’est pas forcément la plus répandue mais seulement celle qui s’impose avec le plus de force. Dès lors que l’autocrate n’a point de forces sinon celles qui lui viennent de l’adhésion de ses partisans et de la crainte de ses détracteurs, il ne fait qu’opposer à une moindre résistance une force plus efficace. C’est pourquoi, à la fin de son premier chapitre, Salfi conclut que « c’est l’opinion, plus ou moins dominante, qui caractérise les nations et les siècles, ainsi que la forme et la marche des gouvernements ; ils la secondent ou sont entraînés par elle » [42].

Cela établi, le théoricien de Cosenza se pose la question de savoir quelle est l’opinion majoritairement répandue à cette époque. Selon Salfi, il est nécessaire, et même indispensable, de connaître « l’opinion dominante de la nation qu’on gouverne ». Et disant cela, il critique l’absolutisme qui méconnaît complètement le sentiment prédominant puisqu’il nie la liberté de parole et d’opinion et, par conséquent, ne peut établir un bon gouvernement ayant pour objectif le bien-être du peuple et plus précisément ce que l’on nomme utilité publique. Dans cette logique, il apparaît que l’idée majoritairement répandue, depuis le Moyen Âge et jusqu’à l’aube de la Modernité, en matière « de morale et de politique, n’a été que celle de l’obéissance la plus aveugle, de la servitude la plus stupide, au moins chez la portion la plus nombreuse du peuple » [43]. Alors, ayant effacé de sa mémoire la réminiscence de la liberté, l’Europe est tombée victime d’une torpeur qui a affecté tout le continent. Réduites à cet état léthargique, les nations européennes n’accomplissent aucune action visant à la reconquête de leur autonomie politique et de leur souveraineté[44]. Les premiers à se réveiller de ce sommeil profond, nous dit Salfi, sont les Suisses, les Hollandais et les Anglais, mais leur réveil reste malheureusement confiné dans leurs frontières. En revanche, dès que l’action indépendantiste a touché l’Amérique, les peuples d’Europe se sont réveillés car ce moment coïncide, notamment, avec la diffusion des idées des Lumières dans le Vieux Continent. Et, donc, les états européens commencent « à regarder comme probable l’anéantissement de la servitude politique » [45]. Alors, les idées de liberté se répandent avec un grand enthousiasme et les nations deviennent plus proches les unes des autres. Toutefois, Salfi observe qu’en Europe la recherche de liberté passe par une phase révolutionnaire, qui a clairement montré ses limites, par ses égarements, ses abus et ses excès. Et Salfi de préciser :

C’est ainsi qu’au milieu des oscillations du despotisme et de l’anarchie, trente années des malheurs publics donnent à la France et à toute l’Europe de grandes leçons, et nous faisant déplorer ces deux extrêmes, nous font soupirer après cette sage liberté qui, seule, peut nous garantir de l’un et de l’autre[46].

Napoléon aurait pu incarner cette « sage liberté », lui qui s’attribue le mérite d’avoir mis fin à la Révolution. Cependant, comme l’analyse Salfi, l’action du général corse a été dévoyée par son despotisme militaire car « ébloui, aveuglé par sa gloire, […] {ce dernier} a méconnu la voix de l’opinion publique qui le menaçait de toutes parts » [47], ce qui est, en grande partie, à l’origine de sa défaite. C’est pourquoi, le théoricien qu’est Salfi parle de la nécessité de reconnaître les droits des peuples à l’expression de façon à éviter la formation d’un gouvernement arbitraire. Dans cette logique, seul le système représentatif permet d’éviter les dérives autoritaires et de répondre aux attentes des peuples : 

Nos mœurs, nos connaissances, nos tendances, nos besoins, s’opposent également à une monarchie et à une démocratie absolue. Les hommes, en général, ont aujourd’hui assez de lumières d’une part, pour n’être plus gouvernés comme des esclaves et des machines ; et de l’autre, trop d’inégalité dans les moyens économiques et moraux pour être tous également capables d’exercer les mêmes droits et les mêmes fonctions. On doit donc éviter tous les dangers d’un pouvoir arbitraire, ainsi que ceux d’une démocratie turbulente. Or, le milieu salutaire entre ces deux extrêmes, on le retrouve dans cette espèce presque nouvelle de gouvernement représentatif, qui rallie les prérogatives royales de la monarchie aux droits imprescriptibles des peuples ou qui […] peut seul convenir aux besoins et aux lumières des peuples policés[48].

Après cet excursus sur la diffusion des Lumières et sur la naissance de la liberté en Europe, l’auteur s’interroge, maintenant, sur le besoin d’autodétermination des peuples qui touche également les Italiens, désireux d’indépendance et de libération du joug des puissances étrangères. Dans un souci de généalogie historique, Salfi évoque l’histoire des Républiques italiennes des XIe et XIVe siècles et il souligne que, depuis quelque temps, la Péninsule montre des signes de réveil : « son histoire civile et littéraire offre quelques faits remarquables, qui prouvent que l’amour de l’indépendance et de la liberté s’est réveillé de tems en tems chez les Italiens » [49]. Salfi, ici, fait référence notamment aux luttes contre les prétentions de la Papauté et contre l’influence espagnole à Naples et à Milan, durant les XVIe et XVIIe siècles. Il montre également que des écrivains, tels que Guidiccioni et Alamanni[50], ont contribué à la formation et à la diffusion d’un sentiment patriotique et national. D’où la nécessité de la lutte contre l’oppression. Dans cette perspective, est mis en exergue le rôle fondamental de Gravina[51] qui avait inspiré, comme nous le dit Salfi, Montesquieu et Rousseau[52], notamment en matière de droit. D’où l’intérêt de Salfi pour la philosophie morale dont il dit que, « depuis la moitié du dix-huitième siècle, {elle} a suivi, en Italie la même direction que chez les nations éclairées de l’Europe » [53]. C’est ainsi que Salfi essaye de présenter de manière sommaire les penseurs les plus représentatifs de la période[54], qui se sont occupés de philosophie morale, en commençant par Genovesi, auteur des Lezioni di economia civile. Sans souci d’exhaustivité, notons que Salfi s’attarde sur l’ouvrage Des délits et des Peines de Beccaria et sur des œuvres de Filangieri mettant bien en évidence l’avancement de la science de la législation à l’aide de la philosophie. Il mentionne également Grimaldi et Carli qui vulgarisent les principes de l’Inégalité des hommes de Rousseau. Et, sur un plan plus local, il fait référence à Giannone qui, revitalisant l’école napolitaine déjà existante, critique avec beaucoup force les excès et l’absolutisme de la cour parthénopéenne. Depuis Naples, ce courant de pensée se propageant dans tous les états de la Péninsule devrait permettre une alliance entre la Toscane, le Royaume de Naples et la Lombardie afin de « soutenir les libertés de l’église et l’indépendance des nations » [55]. Fort de ces considérations et d’une réflexion quant aux caractéristiques des états qui composent la Péninsule italienne, Salfi élargit son point de vue à l’Europe où des états éclairés lui semblent avoir accompli des progrès servant de phares aux autres peuples. En dépit des différences perçues entre les états, Salfi note que « jamais l’Europe n’a paru plus disposée à se reconnaître comme une seule famille. Dans cette position, il est impossible que l’esprit dominant de la plus grande partie ne se propage point chez l’autre » [56]. Et c’est le même phénomène qui a favorisé, nous dit Salfi, la diffusion du christianisme, du fait que les causes de cette propagation ont des points en commun avec celle de l’opinion dominante dont l’avancée sur le Vieux Continent apparaît irrépressible aux yeux de Salfi, étant donné qu’elle est maintenant répandue et qu’elle repose sur des bases solides, ce qui lui fait dire que : « tout annonce que l’Italie marche, avec tout le reste de l’Europe, dans la même direction vers le même but ; que tous ses peuples soupirent après une constitution représentative ; et que chacun attend l’occasion de la réclamer ou de se la donner lui-même »[57] . C’est pourquoi, souligne Salfi, dans cette époque de grand bouillonnement, il faut à tout prix anticiper les moments critiques. Et c’est précisément à cet argument qu’est consacré le septième chapitre de l’essai Résistance contre l’opinion dominante – Guerre de l’Autriche contre les Napolitains dangereuse ou inutile. Dans cette partie de son essai, Salfi cherche à comprendre quel sera le sort du Royaume de Naples qui promet de se transformer en « théâtre des premiers essais de la politique européenne » [58], en raison de l’intérêt politique que l’Autriche lui porte. Et Salfi ne manque pas de se méfier des adulateurs du pouvoir, en l’occurrence de la couronne, qui répètent qu’au moyen de la force militaire il est possible d’anéantir une opinion, bien qu’elle soit dominante, et d’éloigner les Napolitains de leur but afin de décourager les autres peuples désireux de suivre leur exemple. C’est pourquoi il s’interroge longuement sur le rôle de l’Autriche, sur ses prétentions et sur son approche militaire vis-à-vis du royaume parthénopéen. Plus encore, Salfi essaye d’estimer la probabilité de réussite d’une guerre entre les deux états car, selon l’essayiste, ce conflit pourrait impliquer d’autres puissances étrangères et, ensuite, une fois qu’il aurait éclaté, se répandre dans toute la Péninsule et se transformer en piège pour les agresseurs vu que « les Italiens […] ont commencé à se reconnaître pour fils de la même patrie et pour citoyens du même pays » [59]. Faisant preuve d’un bel optimisme, l’écrivain de Cosenza précise que « la force n’a point de prise sur les idées ; elle peut faire tomber les têtes, mais non pas les changer. […] Mais l’oppression excitera encore plus les esprits ; et tôt ou tard, l’opinion se relèvera d’avantage » [60], la fin de la citation mettant l’accent sur les dangers et excès possibles liés à des mouvements de révolte, voire à une révolution. D’où, à son avis, l’importance d’éviter les troubles et de rédiger pour le pays une constitution qui puisse être « la plus convenable à ses lumières et à ses besoin » [61] . Cette nécessité d’une constitution « propre aux états d’Italie », conduit Salfi à réfléchir aux principes fondamentaux qui devraient présider à son élaboration : « convaincu de la nécessité de donner une constitution aux états d’Italie, nous allons indiquer quelque principes fondamentaux sur lesquels toute constitution libérale devrait s’appuyer » [62]. En premier lieu, Salfi stipule que « Le monarque, roi ou souverain, jouira des prérogatives, honneurs et droits nécessaires pour l’exercice de son pouvoir exécutif, et pour la confection des lois avec la nation » [63]. C’est-à-dire que la monarchie doit avoir suffisamment d’autorité pour gouverner un état et prendre part aussi bien au pouvoir législatif qu’au pouvoir exécutif. Par conséquent, « il faut lui reconnaître toutes les facultés » [64] nécessaires pour mener à bien cette double charge. Ensuite, l’auteur touche au problème de la représentation territoriale lorsqu’il précise que la « représentation territoriale pour la confection des lois, {sera} proportionnée à la population représentée, et […] aura toutes les conditions nécessaires pour remplir les intentions et servir les intérêts de ses commettants » [65]. Salfi met ici l’accent sur le nombre de représentants qui ne doit être ni trop faible, car il pourrait être facilement corrompu, ni trop grand, car il dégénérerait en une sorte d’anarchie ou de démagogie. Il préconise donc que la représentation soit proportionnée à la population et que la représentativité d’une nation soit partagée entre deux chambres non seulement pour mieux équilibrer le pouvoir géré par chacune d’elles, mais également parce que « cette division, en général, est plus favorable à la discussion qu’elle éclaire et qu’elle mûrit davantage » [66]. D’ailleurs, il indique comme corollaire que les chambres devraient être indépendantes par rapport au souverain et qu’elles doivent servir les intérêts du peuple qu’elles représentent. À ce propos, Salfi évoque la question épineuse des privilèges et propose une « égalité de droit devant la loi et pour les emplois » [67]. Il soutient que les privilèges doivent être attribués exclusivement sur la base du mérite et circonscrits à l’individu. Autres points essentiels de cette réflexion : la « Liberté individuelle » [68] ainsi que la « Liberté de la pensée et de la presse »  [69]. Salfi y voit le meilleur moyen de développer toutes les facultés intellectuelles, morales et politiques du citoyen et de la société, cela n’allant pas sans l’ « indépendance du pouvoir judiciaire » [70]. Le pouvoir judiciaire, en effet, peut dangereusement devenir un instrument des souverains ou du despotisme pour écraser les opposants politiques, c’est pourquoi, soutient l’écrivain de Cosenza, il faut absolument garantir son indépendance par rapport au pouvoir en place. En outre, il convient que « la représentation nationale accorde et reconnaisse la dépense nécessaire pour l’administration de l’état » [71]. Il s’agit là de l’un des principes de base de tout gouvernement constitutionnel et représentatif. Toutefois, Salfi précise que le gouvernement n’établira aucun impôt sans le consentement du peuple et surtout qu’il s’engagera à rendre publiques les dépenses engagées au nom du peuple. Une fois ces principes énoncés, Salfi souligne que l’action en politique ne peut être exonérée de la responsabilité. Il s’interroge alors sur la « responsabilité des ministres »[72] à penser en étroite relation, pour garder l’équilibre, avec l’« inviolabilité » du souverain, garante du bon fonctionnement de l’état. D’ailleurs, ajoute-t-il, « le but de la constitution […] que nous proposons est la conservation des dynasties et des souverains actuels, avec la plus grande amélioration possible de la nation ». C’est justement en raison de ces considérations que le chercheur Gianluigi Goggi décrit L’Italie au dix-neuvième siècle comme un véritable programme politique et c’est pour cela qu’il occupe une place particulière dans la production littéraire française de Francesco Saverio Salfi car, dans cet écrit, on observe la parfaite fusion entre Salfi critique littéraire et Salfi homme politique. Mais cet essai représente également la tentative de Salfi patriote de donner à son pays la forme de gouvernement la plus adaptée à l’histoire culturelle de la Péninsule, en réalisant ainsi son rêve de voir sa nation unifiée sur la base du fédéralisme comme étape intermédiaire vers le dépassement de toutes les fragmentations internes à la Péninsule[73]. À l’instar de nombreux intellectuels de son époque, Salfi s’oriente donc, pour les états italiens, vers une idée fédéraliste s’appuyant sur un réformisme constitutionnel, loin du fracas des idéaux révolutionnaires de sa jeunesse, ce qui le conduit à affirmer : « je respecte à la fois les droits des peuples et les prérogatives des rois, je me propose de concilier les uns avec les autres sans oublier les conditions nécessaires à tout système constitutionnel » [74] .

 

 

[1]                                     Citation extraite de l’épigraphe funéraire, écrite par son amie anglaise Henriette Harvey, qui embellit la tombe de Salfi au cimetière du Père-Lachaise de Paris à côté de celle de son cher ami Ginguené. Cf. Bruno Barillari, Della vita e degli scritti di Francesco Salfi, Napoli, L’Editrice Italiana, 1921.

[2]                                     Francesco Saverio Salfi, L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d'accorder en Italie le pouvoir avec la liberté, Paris, Chez P. Dufart, 1821 ; aujourd’hui, on peut lire cet essai dans Armando Saitta, « Per leggere a monte. L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d'accorder en Italie le pouvoir avec la liberté » dans Critica Storica, VIII, 1969, p. 283-342.

[3]                                     Dans un brillant article toujours d’actualité, La circolazione delle idee, Franco Venturi retrace notamment l’histoire des idées philosophico-politiques entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Cf. Franco Venturi, « La circolazione delle idee », dans Rassegna storica del Risorgimento Italiano, XLI, 1954, p. 203-222.

[4]                                     Franco Venturi, Ibid., p. 207-208.

[5]                                     Comme l’écrit Franco Crispini, « A Napoli l’insegnamento del Genovesi simboleggia tutte le aspettative di rinnovamento, nelle province del Regno, nelle quali programmi genovesiani vanno facendo proseliti, si aprono spiragli interessanti di una nuova auto consapevolezza culturale ed ideologica. » dans Franco Crispini, Appartenenze illuministiche. I calabresi F.S. Salfi e F.A. Grimaldi, Cosenza, Klipper editore, 2003, p. 23-24.

[6]                                     Franco Venturi souligne le rôle joué par les intellectuels par ces mots : « gli ammirevoli scolari di Genovesi entro i confini della monarchia borbonica [...] possono dedicarsi con tanto maggiore entusiasmo ed intelligenza al loro compito di riforma della società e della macchina statale in quanto accettano la situazione politica esistente. L'antipolitica dell’Illuminismo non è un vezzo o una moda e neppure un errore, è l'espressione chiara di una necessità, del distacco dalla monarchia assoluta in Francia, della volontà di accettare la situazione data e di servirsene per le riforme in Italia. » Plus loin, il ajoute : « la logica stessa porta la classe dirigente che circonda il sovrano assoluto a chieder garanzie e a progettare costituzioni. » dans Franco Venturi, « La circolazione delle idee », op. cit., p. 207-208.

[7]                                     Francesco Saverio Salfi, Pamphlets, a cura di Manlio Del Gaudio, Cosenza, Brenner, 1993, p. 30.

[8]                                     Tout au long de son article, Venturi met en valeur les caractéristiques du réformisme italien en s’exprimant ainsi : « Non ci stupiremo dunque vedendo che i maggiori frutti teorici del riformismo italiano non stiano nelle teorie politiche, ma nelle discussioni sulla legislazione civile e penale e nello studio dell'economia. La volontà di fare un pò di bene e cioè anche di concentrare tutto se stesso sulla società civile, svalutando ogni altra attività, s’incarna {nell’intellettuale che}[...] sa trovare il punto in cui la filantropia e le riforme s'incontrano in un problema concreto. » dans Franco Venturi, « La circolazione delle idee », ibid., p. 207-208.

[9]                                     Cf.Franco Crispini, Appartenenze illuministiche. I calabresi F.S. Salfi e F.A. Grimaldi, op. cit., p. 29.

[10]                                   Franco Crispini, Appartenenze illuministiche. I calabresi F.S. Salfi e F.A. Grimaldi, ibid., passim.

[11]                                   Vincenzo Ferrone, I profeti dell’illuminismo. Le metamorfosi della ragione nel tardo Settecento italiano, Bari, Laterza, 1989, p. 311.

[12]                                   Cf. Franco Crispini, Appartenenze illuministiche. I calabresi F.S. Salfi e F.A. Grimaldi, op.cit., p. 29.

[13]                                   Venturi, en parlant de l’absolutisme du XVIIIe siècle, souligne pertinemment que « la ribellione degli individui è spesso il sintomo, il segno del limite della capacità dimostrata dall'assolutismo illuminato di assorbire le capacità tecniche e intellettuali. » Franco Venturi, « La circolazione delle idee », op. cit., p. 209. 

[14]                                   Cf. Franco Crispini, Appartenenze illuministiche. I calabresi F.S. Salfi e F.A. Grimaldi, op.cit., p. 30.

[15]                                   Giuseppe Galasso, Napoli Capitale. Identità politica e cittadina. Studi e ricerche 1266-1860, Napoli, Electa, 2003, p. 225-226. En effet, à cause de cette évolution, d’autres intellectuels se retrouvent impliqués dans la conjuration jacobine de 1794 et accusés de trahison envers le roi. À propos de la conjuration, voir Michele Rossi, Nuova luce risultante dai veri fatti, avvenuti in Napoli, pochi anni prima del 1799, monografia ricavata da documenti finora sconosciuti relativi alla gran causa dei rei di Stato del 1794, tip. di G. Barbèra, 1890.

[16]                                   Gianluigi Goggi, « Francesco Saverio Salfi e la continuazione dell'Histoire littéraire d'Italie del Ginguené », extrait de Annali della Scuola Normale superiore di Pisa, Classe di lettere e filosofia, ser. 3, v. 2,1, 1972, p. 351-352.

[17]                                   Cf. Franco Crispini, Appartenenze illuministiche. I calabresi F.S. Salfi e F.A. Grimaldi, op. cit., p. 7.

[18]                                   « I più pensosi, quando ebbero la fortuna di sopravvivere alla tempesta, si posero tanto il problema dello iato, del baratro profondo che aveva diviso i giacobini dalle masse degli insorgenti quanto il problema della nazionalità, acutizzato dall'invasione militare e dalle sue conseguenze.» Franco Venturi, « La circolazione delle idee », op. cit., p. 213.

[19]                                   Cf. Franco Crispini, Appartenenze illuministiche. I calabresi F.S. Salfi e F.A. Grimaldi, op. cit., p. 40.

[20]                                   À la mort de Pierre-Louis Ginguené, en 1816, Salfi achève son ouvrage et publie, à l’aide des manuscrits de Ginguené, les tomes VII à IX ; puis, en 1823, il publie le tome X dans lequel il révèle ses qualités d’historien minutieux. Quant aux tomes XI, XII, XIII et XIV, ils seront publiés seulement en 1834-35, après la disparition de Salfi. Cf. Gianluigi Goggi, « La figura di Galileo Galilei e la struttura dell’Histoire littéraire d’Italie di F.S. Salfi », dans Francesco Saverio Salfi un calabrese per l’Europa: atti del Convegno di Cosenza, 23-24 febbraio 1980, a cura di Pasquale Alberto De Lisio, Napoli, Società editrice napoletana, 1981, p. 151.

[21]                                   Pour des approfondissements sur la question des Jacobins d’Italie, voir Renzo De Felice, Il triennio giacobino in Italia (1796-1799) note e ricerche, Roma, Bonacci, 1990.

[22]                                   Nicola Galizia, « Francesco S. Salfi collaboratore della Revue Encyclopédique », extrait de Giornale Italiano di Filologia, XV, [XXXVI], I, 1987, Rome, Herder, p. 51-56.

[23]                                   Nous faisons référence ici au compte rendu de la Storia d’Italia di Carlo Botta, publié dans la Revue Encyclopédique. Francesco Saverio Salfi, « Storia d’Italia dal 1789 al 1814, scritta da Carlo Botta », dans Revue Encyclopédique, t. XXIV, 1824, p. 667-668. NB. Pour cette citation, ainsi que pour les citations à venir, nous respectons à la lettre la graphie de Salfi.

[24]                                   « Sappiamo che il movimento comincia a nascere soltanto il giorno in cui sorge un gruppo di uomini, sia pur piccolo, che pone al centro del suo programma l'unità italiana e agisce per ottenerla». Franco Venturi, « La circolazione delle idee », op. cit., p. 203.

[25]                                   Alberto Mario Banti, Il Risorgimento italiano, Roma-Bari,  Laterza & Figli, Economica Laterza, 2008, p. V.

[26]                                   Franco Venturi, « La circolazione delle idee », ibid., p. 213.

[27]                                   Ibid., p. 213.

[28]                                   Marc Antoine Jullien, « Notes », in Revue Encyclopédique, t. IV, p. 287.

[29]                                   Marc Antoine Jullien, « Considération sur la civilisation », dans Revue Encyclopédique, t. XXVII, 1825, 21, p. 4.

[30]                                   Francesco De Sanctis, Storia della letteratura italiana, introduzione di René Wellek; note di Grazia Melli Fioravanti, Milan, BUR, 2006, p. 945.

[31]                                   Francesco Saverio Salfi, « Du génie des Italiens et de l’état actuel de leur littérature » dans Revue Encyclopédique, t. I, 1819, p. 152.

[32]                                   Ibid., p. 156.

[33]                                   Ibid., p. 154.

[34]                                   La chercheuse Valeria Ferrari, à propos du patriotisme de Salfi, écrit qu’il était l’un des tout premiers à utiliser les mots “liberté” et “égalité”. De plus, elle souligne que le Calabrais était déjà convaincu durant les années 1796-1799 de l’existence in nuce de la “nation italienne” Cf. Valeria Ferrari, Civilisation, laicité, liberté : Francesco Saverio Salfi fra illuminismo e Risorgimento, Milano, Franco Angeli, 2009, p. 11-12.

[35]                                   Ce thème était déjà présent dans un certain nombre d’écrits de jeunesse de Salfi. Par exemple, dans la dédicace de son essai anthropologique, on retrouve notamment le mot « patriottismo ». Cf. Francesco Saverio Salfi, Saggio di fenomeni antropologici relativi al tremuoto, ovvero Riflessioni sopra alcune oppinioni pregiudiziali alla pubblica o privata felicita fatte per occasion de’ tremuoti avvenuti nelle Calabrie l’anno 1783 e seguenti dall’Ab... S , dans Napoli ; per Vincenzo Flauto: a spese di Michele Stasi, 1787, p. VIII ; il est à noter également que notre auteur calabrais employait déjà le mot « Italiani » pour identifier le peuple vivant dans la Péninsule avec beaucoup de fierté identitaire. Cf. Francesco Saverio Salfi, Elogio di Gaetano Gervino con un brieve saggio del metodo normale dell’abbate Salfi, 1789, p. 40.

[36]                                   Il s’agit de l’article « Ai Patrioti italiani » écrit par Salfi et paru le 11 mars 1797 dans Giornale de’ patrioti d’Italia, vol I, p. 263-265, dans Luca Addante, Patriottismo e libertà: l’Elogio di Antonio Serra di Francesco Salfi, Cosenza, Pellegrini, 2009, p. 58-60.

[37]                                   Cité dans Valeria Ferrari, Civilisation, laicité, liberté : Francesco Saverio Salfi fra illuminismo e Risorgimento, op. cit., p. 178.

[38]                                   De cet essai il existe une seule traduction italienne, datée de 1848, œuvre du neveu de Salfi, le chanoine Ferdinando Scaglione. Pour des approfondissements sur cette traduction en langue italienne, voir Manlio Del Gaudio, « Storiografia e politica in una traduzione inedita de L’Italie au XIXe siècle di F. S. Salfi », dans Rivista di storia della storiografia moderna, anno IX, n° 2-3, 1988, p. 197-210 ; et Francesco Saverio Salfi, L'Italia nel secolo 19 o della necessità di accordare in Italia il potere con la libertà, traduzione italiana di Ferdinando Canonico Scaglione, Cosenza, Brenner, 2002.

[39]                                   Cette théorie fédérative était déjà évoquée, voire souhaitée, par Salfi dans ses Lezioni di diritto pubblico, o delle genti, qu’il avait tenues en tant que professeur de droit public et commercial, en 1809. Pour une lecture intégrale, voir Valentina Zaffino, « Progressioni » dell’uomo. Verso la « civil società » : lezioni di diritto pubblico, o delle genti, V-X, Cosenza, Pellegrini, 2010.

[40]                                   Pour des approfondissements sur cet essai voir Valeria Ferrari, Civilisation, laicité, liberté, op. cit., p. 137-47.

[41]                                   Francesco Saverio Salfi, L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté, dans Armando Saitta, « Per leggere a monte. L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté de Francesco Saverio Salfi », Critica Storica VIII, no 2, 1969, p. 287.

[42]                                   Ibid., p. 287.

[43]                                   Ibid., p. 288.

[44]                                   Ibid., p. 288.

[45]                                   Ibid., p. 289.

[46]                                   Ibid., p. 289.

[47]                                   Ibid., p. 289-290.

[48]                                   Ibid., p. 290.

[49]                                   Ibid., p. 292.

[50]                                   Comme l’on sait, Salfi est l’auteur des volumes de l’Histoire de la littérature d’Italie qui portent sur le XVIe siècle, dans lesquels il montre des qualités d’historien de la littérature remarquables. Rappelons ici que le philosophe Croce avait apprécié l’originalité et l’efficacité de Salfi. Cf. Benedetto Croce, dans Nuovi saggi sulla letteratura italiana del Seicento, Bari, Laterza, 1968 (1931), p. 1-10.

[51]                                   Comme l’écrit Luca Addante : « Spiccava poi la figura di Gravina, nel quale Salfi (come già il Pagano del Progetto di Costituzione) vedeva l’anticipatore della teoria dei diritti umani e del giusnaturalismo contrattualistico, ma anche un sincero democratico. » Cf. Luca Addante, « Note sui primi movimenti carbonari in Italia », dans Renata De Lorenzo (a cura di), Ordine e disordine. Amministrazione e mondo militare nel Decennio francese, Napoli, Giannini, 2012, p. 619.

[52]                                   Pour des renseignements sur Gian Vincenzo Gravina ainsi que sur la bibliographie le concernant, voir respectivement Carla San Mauro, dans Dizionario Biografico degli Italiani, Treccani, Volume 58, 2002 ; et Valeria Ferrari, Civilisation, laicité, liberté, op. cit. p. 140, note 44.

[53]                                   Francesco Saverio Salfi, L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté, dans Armando Saitta, « Per leggere a monte. L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté di Francesco Saverio Salfi », op. cit., p. 294-295.

[54]                                   Concernant le XVIIIe siècle, Luca Addante s’exprime en ces termes : « Nel Settecento era individuata la vera svolta nel percorso di costruzione di un’opinione pubblica tesa ai diritti umani ed alla laicità : con Giannone, con la scuola di Genovesi e poi con Beccaria, Filangieri e tanti altri tra cui i giansenisti, fino ai suoi contemporanei (e amici) Romagnosi, Cuoco, Galdi, Angeloni, Delfico, Botta, Foscolo e altri ancora, oltre a scuole, gabinetti e periodici letterari, giornali politici e, soprattutto, « società segrete », dove si « mostrò la vera luce », in Luca Addante, « Note sui primi movimenti carbonari in Italia », op. cit., p. 619.

[55]                                   Francesco Saverio Salfi, L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté, op. cit., p.  296.

[56]                                   Francesco Saverio Salfi, L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté, op. cit., p.  310.

[57]                                   Ibid., p. 311.

[58]                                   Ibid., p. 312.

[59]                                   Ibid., p. 314.

[60]                                   Ibid., p. 317.

[61]                                   Francesco Saverio Salfi, L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté, op. cit., p. 318.

[62]                                   Ibid., p. 319.

[63]                                   Ibid., p. 321

[64]                                   Ibid., p. 321.

[65]                                   Ibid., p. 321.

[66]                                   Ibid., p. 321.

[67]                                   Ibid. p. 323.

[68]                                   Ibid., p. 323.

[69]                                   Ibid., p. 323.

[70]                                   Francesco Saverio Salfi, L’Italie au dix-neuvième siècle ou de la nécessité d’accorder en Italie le pouvoir avec la liberté, op. cit., p. 323.

[71]                                   Ibid., p. 324.

[72]                                   Ibid. p. 324.

[73]                                   Cf. Valeria Ferrari, Civilisation, laïcité, liberté, op. cit., p. 12.

[74]                                   Francesco Saverio Salfi, ibid., p. 320.

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